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SInfoNiA : modéliser l’information, modéliser l’impalpable
Dans les rues, la rumeur gronde. La banque locale serait sur le point de faire faillite. L’inquiétude grandit chez les clients de l’établissement qui a pourtant pignon sur rue depuis des décennies. Paniqués, tous se précipitent au guichet pour retirer leur argent. C’est la faillite de la banque. Ce scénario déjà éprouvé montre que l’économie ne se limite pas à l’échange de biens physiques ou de services. L’information, notamment sa dissémination, peut avoir un impact important sur la coordination des actions dans un groupe, sur les choix collectifs et sur les individus.
Le projet SInfoNiA, que l’Union européenne soutient par une bourse ERC Advanced pour les 5 années à venir, braque ses projecteurs sur ce phénomène. Il s’appuie pour cela sur l’élaboration d’un modèle original d’information interactive adapté à la théorie des jeux. Ce domaine de recherche très interdisciplinaire est fondamental en économie. Il permet d’étudier, dans un système ou les choix de chacun exercent une influence sur les autres, les décisions prises par plusieurs individus ou objets (pays, entreprises, etc.) défendant leurs intérêts.
« Le premier enjeu pour nous est de décrire l’information », lance Olivier Gossner, directeur de recherche au CREST *et professeur au Département d’Économie de l’École polytechnique qui porte le projet. Concrètement, elle peut prendre la forme de ce qui circule sur les réseaux sociaux, dans les journaux, dans les communications interpersonnelles…bref, de tout ce qui façonne les croyances d’un individu et la vision qu’il peut avoir du monde. « Or, les décisions de chacun dépendent des croyances de chacun sur les décisions des autres. Ce que je crois que vous croyez influence ce que je crois que vous allez faire, et donc mes décisions », s’amuse le chercheur.
Univers immatériel, conséquences bien réelles
Mais si l’économie est capable de modéliser des choix, il n’existe pas encore d’outil capable de décrire la manière dont l’information circule et impacte les acteurs d’une situation. « SInfoNiA a l’ambition profonde de bien modéliser cet univers incontrôlable et immatériel qui a pourtant des conséquences bien réelles ».
Dans le projet, les croyances, les opinions, les actualités, etc. sont représentées par une combinaison d’outils mathématiques probabilistes et algorithmiques. Ceux-ci ont pour vocation de créer un langage scientifique pertinent, représentatif de la réalité et utilisable par le plus grand nombre.
Ces méthodes et ces outils seront repris dans le volet ingénierie de SInfoNiA. Ils permettront à Olivier Gossner et son équipe d’étudier l’impact de la circulation de l’information au sein de diverses organisations. Ces travaux soulèveront la question du niveau d’information auquel les acteurs de ces structures doivent avoir accès pour leur bon fonctionnement. « Certains sites en ligne incitent par exemple leurs clients à choisir la livraison prioritaire modulo quelques euros. Le client ne sait toutefois pas si d’autres personnes ont fait le même choix, s’il y a assez de livreurs, et donc s’ils sont vraiment prioritaires. L’entreprise joue sur l’ambiguïté, dans son intérêt. C’est un exemple de l’impact bien réel de la dissémination de l’information », explique le chercheur.
SInfoNiA propose également d’étudier de nouveaux modèles de stabilité financière en permettant, par exemple, de prédire l’engagement d’investisseurs selon les données circulant à propos de la santé d’une entreprise. Un autre pan du projet se penchera sur la robustesse des équilibres sociaux. « Partons du principe que la société n’existe que parce que chacun s’y engage. Est-ce que la désinformation et les fake news peuvent déstabiliser voire rompre ce contrat social ? », interroge Olivier Gossner. Enfin, il sera question de comprendre comment la propagation de l’information et les croyances de chacun peuvent faire évoluer une norme sociale ou à l’inverse la figer. « Une étude a montré qu’en Arabie Saoudite, la plupart des hommes sont favorables à ce que les femmes prennent le volant, mais chacun est persuadé que les autres ne le sont pas. L’analyse des croyances et de leur impact pourrait faire tomber les a priori de chacun et faire bouger les lignes ».
* CREST : une unité mixte de recherche CNRS, GENES, Collège polytechnique-Institut Polytechnique de Paris, ENSAE Paris-Institut Polytechnique de Paris
Financé par l'Union européenne (ERC, SInfoNIa). Les points de vue et opinions exprimés n'engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux de l'Union européenne ou de l'Agence exécutive du Conseil européen de la recherche. Ni l'Union européenne ni l'autorité subventionnaire ne peuvent en être tenues pour responsables.