Circuits QuantX : vers la découverte de nouveaux états électroniques de la matière

Tous deux enseignants-chercheurs à l’École polytechnique, Landry Bretheau (X 2005) et Jean-Damien Pillet (ENS Ulm 2005) ont créé le QCMX Lab, une équipe intégrée au Laboratoire de physique de la matière condensée*, qui explore la physique des circuits quantiques hybrides à travers des expériences alliant nano-fabrication en salle blanche et mesures d'électronique quantique à des températures cryogéniques. Poursuivant l’objectif de sonder l’interaction lumière-matière à l’échelle du photon et de l’électron uniques, les deux chercheurs pourraient découvrir de nouveaux états électroniques de la matière avec le projet Circuits QuantX.
Circuits QuantX : vers la découverte de nouveaux états électroniques de la matière Landry Bretheau et Jean-Damien Pillet
02 Juil. 2024
Projet

Un laboratoire pour explorer la physique des circuits quantiques hybrides

Depuis plus d'un siècle, la physique quantique a révolutionné notre compréhension du comportement de la nature à petite échelle et à faible énergie. Des applications prometteuses, telles que l'informatique quantique, les communications sécurisées à longue distance et la simulation analogique de problèmes complexes semblent à portée de main. Cependant, il reste encore un vaste paysage de physique fondamentale à explorer. 

Recrutés par l’École polytechnique en 2017 pour créer un nouveau groupe de recherche, Landry Bretheau et Jean-Damien Pillet explorent la physique des circuits quantiques hybrides constitués de conducteurs de basse dimension et de circuits supraconducteurs. « Lorsque nous sommes arrivés à l’X, nous avions des salles vides, et une ligne de crédit à dépenser. À nous de rêver, d’inventer et de choisir comment nous allions construire notre laboratoire ! Une expérience comparable à la création d’une start-up », se souvient Landry Bretheau. 

Pour développer cette nouvelle activité, les deux chercheurs ont obtenu différents financements : des bourses « Jeune chercheur » de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) mais aussi une ERC Starting Grant attribuée par le Conseil Européen de la Recherche. « Grâce à ces financements, nous avons pu équiper notre laboratoire, et surtout étoffer notre équipe qui compte aujourd’hui 8 personnes. Depuis 3 ans, nos expériences tournent à plein régime et nous obtenons des résultats très prometteurs qui font l’objet de publications et d’exposés lors de conférences internationales ».  

Un projet à l’intersection des circuits quantiques supraconducteurs et des matériaux quantiques

Au sein du QCMX Lab (Quantum Circuits & Matter) qu’ils ont créé, Landry Bretheau et Jean-Damien Pillet développent un projet scientifique à l’intersection entre deux domaines très dynamiques en physique quantique : celui des circuits quantiques supraconducteurs et celui des matériaux quantiques. Ils conçoivent des architectures hybrides combinant des circuits supraconducteurs et des conducteurs de basse dimension afin d'isoler de nouveaux états électroniques et de manipuler leurs états quantiques de manière cohérente. Outre son intérêt fondamental, cet axe de recherche pourrait permettre d'identifier de nouveaux systèmes quantiques élémentaires prometteurs pour le traitement quantique de l'information. 

« Dans le cadre de notre recherche, nous nous concentrons sur un matériau en particulier : le nanotube de carbone. Il s’agit d’un conducteur quantique avec un diamètre de l’ordre du nanomètre, c’est-à-dire 100 000 fois plus fin qu’un cheveu. Du fait de sa dimensionnalité réduite, il nous permet de piéger des électrons uniques que nous couplons avec des électrodes supraconductrices. Nous créons ainsi des paires d’électrons intriqués que l’on appelle des paires de Cooper et qui sont la brique de base de la supraconductivité. Le nanotube de carbone nous permet ainsi de piéger des paires de Cooper uniques qui sont des objets assez originaux dans lesquels il y a de l’intrication quantique. Notre objectif étant d’isoler une paire de Cooper unique, de la coupler à un photon unique et d’observer leur danse quantique », explique Landry Bretheau. 

Si la recherche menée par l’équipe du QCMX Lab est avant tout fondamentale, elle est aussi potentiellement applicable et pourrait conduire à la découverte de nouvelles technologies quantiques. « Les axes les plus prometteurs en termes d’applicabilité de nos travaux sont l’information quantique avec la réalisation de qubits topologiquement protégés de la décohérence, la détection quantique avec l'implémentation de nouveaux dispositifs électroniques, et la simulation quantique de problèmes complexes à plusieurs corps ».  

Des recherches soutenues par la Fondation de l’X

Dans ce domaine de recherche extrêmement compétitif qui nécessite d’importants financements, le projet Circuits QuantX bénéficie du soutien de la Fondation de l’École polytechnique. « Alors que nous avons obtenu des locaux supplémentaires pour étendre notre parc expérimental, ce soutien va nous permettre d’acquérir de nouveaux instruments et composants électroniques, mais surtout un nouveau cryostat à dilution permettant le refroidissement rapide à 10 mK. Grâce à ce nouvel équipement, nous allons pouvoir multiplier par deux le nombre d’expériences que nous réalisons », se réjouit le chercheur. 

Avec son équipe, il prévoit également de travailler sur des projets alternatifs très prometteurs. « Nous souhaitons notamment nous intéresser à un domaine plus orienté à terme vers le calcul quantique : la fabrication de jonctions Josephson qui sont un élément incontournable des qubits supraconducteurs, eux-mêmes briques de base pour le calcul quantique dans les ordinateurs quantiques du futur. Traditionnellement, les jonctions Josephson sont basées sur une jonction tunnel, c’est-à-dire deux électrodes supraconductrices séparées par une mince barrière isolante. Les paires de Cooper sautent à travers cette barrière par effet tunnel et portent le supercourant à la base de tous les qubits supraconducteurs. Dans l’équipe, nous utilisons une nouvelle technique de fabrication pour développer des jonctions à tête d’épingle (« Pinhole Josephson Junctions »), n’étant pas basées sur une jonction tunnel. Ces nouveaux dispositifs pourraient permettre d’implémenter des qubits topologiques et donc d’obtenir une protection face à la décohérence », conclut Landry Bretheau. 

* Laboratoire de physique de la matière condensée (CNRS, École polytechnique - IP Paris)

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