Entretien avec Jia Li (X 2010), Grand donateur de la Fondation

Pourriez-vous revenir sur votre parcours avant l’École polytechnique ?

Je suis originaire de Chine où j’ai effectué ma scolarité jusqu’au lycée et participé à plusieurs reprises aux Olympiades de mathématiques, une discipline qui me passionne. En terminale, j’ai eu l’opportunité de bénéficier d’un programme du Consulat de France qui permettait chaque année à 50 élèves chinois, sélectionnés sur concours, d’intégrer une classe prépa en France. Tout en préparant le bac, j’ai donc suivi pendant 6 mois des cours intensifs de Français pour apprendre la langue avant de rejoindre les bancs du lycée Camille Guérin à Poitiers. Mes deux années de prépa « Maths, Physique et Informatique » ont été inoubliables. J’ai rencontré des professeurs inspirants qui ont contribué à me faire aimer encore davantage les maths.

En 2010, vous avez intégré l’X. Que vous a apporté cette École ?

J’ai beaucoup apprécié les années passées à Polytechnique qui m’a énormément apporté. Tout d’abord, et cela est important pour moi, l’X c’est un esprit de solidarité qui n’existe nulle part ailleurs et des amis à vie. Pour l’anecdote, j’ai rencontré Yann Fleureau lors de mon premier jour sur le campus puisque nous étions dans la même section de formation humaine. Nous sommes devenus amis puis associés de Cardiologs. Et lorsque nous avons lancé notre première levée de fonds, de nombreux Anciens ont contribué ! Cela témoigne du lien très fort qui existe entre les promotions. D’autre part, et d’un point de vue plus académique, l’X m’a ouvert l’esprit et m’a permis de faire des rencontres déterminantes. Je pense notamment au professeur Renaud Keriven qui m’a fait découvrir la computer science, l’intelligence artificielle et le machine learning qui sont aujourd’hui au cœur de mon activité professionnelle.

Après avoir suivi en 4A le Master MVA (Mathématiques, Vision, Apprentissage) à Télécom Paris, vous vous êtes lancé dans l’aventure entrepreneuriale. Pourquoi ce choix ?

Je dois avouer que ce n’était pas mon projet de départ puisque j’avais prévu de faire de la recherche en computer vision à l’ETH Zurich. Dans ce cadre, je devais faire un stage de fin d’études et j’ai alors rejoint Yann Fleureau qui souhaitait étoffer son équipe sur la partie technique de Cardiologs. Je ne devais rester que quelques mois et je ne suis finalement jamais parti ! Je suis aujourd’hui en charge de toute la partie technique et je supervise le développement des algorithmes et logiciels qui permettent de détecter les anomalies cardiaques.

Cardiologs, rachetée par Philips en 2021, est une medtech spécialisée dans les diagnostics en cardiologie par intelligence artificielle. Quels sont vos grands projets en cours ?

Le rachat de Cardiologs par Philips nous permet d’aller encore plus loin en unissant nos forces au service de l’innovation et de la digitalisation de la santé avec l’intelligence artificielle. Grâce à l’IA, nous avons développé une plateforme de diagnostics permettant d’interpréter automatiquement des électrocardiogrammes et donc, de détecter rapidement et efficacement plus de 100 maladies cardiaques. Nous avons aujourd’hui pour objectif de toucher une population plus grande en commercialisant un nouveau produit, Cardiologs RPM (Remote Patient Monitoring), qui permet aux médecins de suivre leurs patients à distance avec un « medical grade AI ». Par ailleurs, nous avons constitué une base de données conséquente depuis la création de Cardiologs et nous souhaiterions l’exploiter pour repérer les signaux faibles. Nous travaillons donc sur des biomarqueurs digitaux capables de prédire la maladie avant qu’elle ne survienne.

Vous êtes récemment devenu le plus jeune Grand donateur de la Fondation en effectuant un don en faveur du S.S. Chern Young Faculty Award, un programme d’accompagnement ciblé pour de brillants enseignants-chercheurs en mathématiques en début de carrière à l’X. Pourquoi cet engagement ?

Vous l’aurez compris, j’éprouve de la gratitude envers l’École polytechnique et envers la communauté polytechnicienne qui ont contribué à ce que je suis et à ce que je fais aujourd’hui. La France et l’X m’ont permis d’approfondir les mathématiques qui sont une véritable passion. Ayant passé du temps dans le domaine de la recherche, je sais combien il est difficile de faire une découverte significative pouvant faire avancer la science. Les chercheurs doivent souvent faire face à des obstacles financiers pour mener à bien leurs recherches. Cependant, avec le soutien adéquat, ils peuvent se concentrer sur leur travail sans avoir à affronter des problèmes financiers. Un exemple de cela est Yitang Zhang, un mathématicien chinois qui a travaillé dans l'obscurité pendant des années avant de faire une percée remarquable dans la conjecture de Twin Prime. Cette découverte a attiré l'attention de la communauté mathématique mondiale et a changé la façon dont les mathématiciens abordent cette conjecture.

Si vous aviez un message à adresser aux élèves qui étudient à l’X aujourd’hui, quel serait-il ?

Je leur dirais que le temps passe très vite et que les plus belles années pour entreprendre et développer des projets sont entre la vingtaine et la trentaine. Alors ne ratez pas le train, donnez tout et foncez !