- Accueil
- Actualités
- Toutes Les Actualités
- Rencontre Avec Cédric Bellis et Kostas Danas, Lauréats Du Prix Jean Mandel 2019
Rencontre avec Cédric Bellis et Kostas Danas, lauréats du prix Jean Mandel 2019
Organisé tous les deux ans, il est financé par l'École polytechnique via sa Fondation et par l'École des Mines de Paris. En 2019, ce prix a récompensé les travaux de Cédric Bellis, chargé de recherche au Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique (LMA - CNRS/Aix-Marseille Université/Centrale Marseille) et de Kostas Danas, chargé de recherche au Laboratoire de Mécanique des Solides (LMS - École polytechnique/CNRS).
Vous êtes tous les deux de jeunes chercheurs en mécanique des solides. Pourriez-vous nous présenter vos parcours respectifs ?
Cédric Bellis (C.B.) : Je suis un ancien élève de l’ENS Cachan où j’ai étudié les sciences de l’ingénieur et la mécanique. J’ai ensuite effectué une thèse consacrée aux problèmes inverses au Laboratoire de Mécanique des Solides de l’École polytechnique, en co-tutelle avec l’Université du Minnesota aux États-Unis. Après un post-doc à l’Université Columbia à New York, j’ai été recruté comme chargé de recherche au CNRS en 2013 au sein du Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique à Marseille. Je suis également professeur chargé de cours au département de Mécanique de l’X depuis la rentrée dernière.
Kostas Danas (K.D.) : De mon côté, je suis originaire de Grèce où j’ai suivi des études en génie mécanique à l’Université de Thessalie. Je suis titulaire d’un double doctorat de l’École polytechnique et de l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie aux États-Unis sur la modélisation des matériaux poreux. J’ai ensuite effectué un post-doc à l’Université de Cambridge au Royaume-Uni avant de rejoindre le Laboratoire de Mécanique des Solides comme chargé de recherche au CNRS en 2009. Depuis 2016, je suis comme Cédric également professeur chargé de cours au département de Mécanique de l’X.
En 2019, vous avez reçu le prix Jean Mandel qui récompense les recherches que vous menez. En quoi consistent-elles ?
C.B. : Mes recherches portent sur l’imagerie des milieux solides, les problèmes inverses, les ondes en milieux complexes, l’homogénéisation et les modèles asymptotiques associés. Les problèmes inverses sont des situations dans lesquelles on observe des effets et l’on cherche à déterminer leurs causes. Par exemple, on considère un milieu tel qu’un tissu biologique ou un sol, et on exploite des ondes mécaniques pour le sonder et le caractériser. Autrement dit, on cherche à reconstruire sa composition interne via des mesures dynamiques uniquement à sa surface. Je développe des outils à la fois théoriques et numériques pour répondre aux questions relatives à ces problèmes.
K.D. : J’effectue mes recherches dans le domaine de la mécanique des solides et notamment des matériaux composites, ces assemblages de plusieurs constituants qui confèrent des propriétés extrêmes au matériau final. Je mène ainsi des travaux sur la description théorique et la modélisation numérique des lois de comportement des matériaux à des échelles variant du nanomètre au mètre. Je travaille par exemple sur un projet dédié à la réponse magnéto-rhéologique des élastomères souples. Ces nouveaux matériaux polymères chargés avec des microparticules pourraient être magnétisables et être utilisés dans le domaine médical.
Parlons justement des applications de vos recherches. Quelles sont-elles ?
C.B. et K.D. : La mécanique est une science fondamentale et une approche proche des mathématiques, et pour ces raisons elle permet de répondre à une grande variété de problématiques qui sont au cœur des enjeux actuels. Un des principaux objectifs de nos travaux est de concevoir et de développer des matériaux innovants ouvrant de nouvelles possibilités, on parle alors de métamatériaux qui exhibent des propriétés que l’on ne rencontre pas dans les matériaux naturels. Ce sont en particulier des matériaux micro-structurés, que l’on peut aujourd’hui produire grâce aux outils d’impression 3D. Ces matériaux peuvent s’appliquer dans le domaine du contrôle des ondes (sismiques par exemple), de la résistance des matériaux à la rupture, ou encore de la réduction de l’empreinte écologique via l’utilisation de matériaux performants (légers et résistants).
Nous travaillons sur des problématiques de design et d’optimisation de tels matériaux. Des outils expérimentaux comme les imprimantes 3D nous offrent des possibilités infinies pour créer et tester des micro-structures aux formes géométriques complexes et optimisées afin de réaliser des objectifs visés. Nous développons également des modèles généraux pour les composites qui sont applicables à différents domaines comme la biomécanique, la géomécanique et l’électronique entre autres.
Quand nous développons ces nouveaux matériaux et ces méthodes, les applications industrielles potentielles restent complètement ouvertes et se dessinent au fur et à mesure. Il est même imaginable que de nouvelles industries émergent autour de ces nouveaux matériaux. Citons l’exemple de la nouvelle technologie de capteurs créée dans le domaine médical pour la mesure de signaux vitaux et qui s’appuie sur les métamatériaux polymères actifs actuellement en développement.
En août dernier, le prix Jean Mandel vous a officiellement été remis dans le cadre du Congrès Français de Mécanique à Brest. Que représente pour vous cette distinction ?
K.D. : C’est un honneur pour moi de recevoir ce prix et ce, pour deux raisons. La première, c’est parce qu’il porte le nom de Jean Mandel qui a fondé le LMS où je travaille aujourd’hui. La seconde, c’est parce que pour mener mes recherches, j’utilise notamment les résultats théoriques de Mandel qui font référence encore aujourd’hui.
C.B. : Je suis très honoré de voir mes travaux récompensés et de recevoir ce prix que d’autres chercheurs dont j’admire le travail, ont reçu avant moi. Je suis également très heureux de me rapprocher de l’X et du Laboratoire de Mécanique des Solides auxquels je suis particulièrement attaché depuis ma thèse.
C.B. et K.D. : Même si ce prix est remis à titre individuel, nous tenons à remercier tous les doctorants et les étudiants avec lesquels nous travaillons. La recherche est avant tout une aventure collective et nous apprenons quotidiennement au contact de nos collègues.
Depuis plus de trois mois, le monde est confronté à crise inédite qui nous affecte tous. Quel a été l’impact du confinement sur vos travaux ?
C.B. : En matière de recherche théorique, les projets ont pu continuer à avancer, même au ralenti, grâce à la mobilisation des doctorants. Concernant l’enseignement, je tiens à saluer l’incroyable efficacité de la scolarité de l’X qui nous a fourni très rapidement tous les outils nécessaires pour enseigner. Les étudiants ont été très investis et nous avons finalement eu des interactions très régulières et d’excellente qualité avec eux.
K.D. : Pour ma part, je n’avais pas de cours à dispenser ce semestre mais je suis bien entendu resté mobilisé pour par exemple, accompagner des élèves de 3e année effectuant leur stage au Laboratoire de Mécanique des Solides. En matière de recherche, nous avons été contraints de revoir notre mode de fonctionnement. Si la partie expérimentale était à l’arrêt, j’ai pu continuer à travailler à distance sur la partie théorique et numérique avec les doctorants et post-doctorants.
*La carrière de Jean Mandel (1907-1982) a été consacrée à l’enseignement et à la recherche. Ingénieur des Mines, il a notamment été professeur à l’École polytechnique et à l’École des Mines de Paris, et a fondé le Laboratoire de Mécanique des Solides de l’X. Théoricien de la mécanique des solides, il se souciait également des applications. Il a apporté des contributions majeures et qui font toujours référence à la mécanique des roches et des sols, tout autant que des métaux, des polymères ou des composites : rhéologie, viscoélasticité, élasto-plasticité et viscoplasticité, rupture, modélisation et calcul des structures, homogénéisation des matériaux hétérogènes, dynamique, tribologie…