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50 ans de physique des particules avec l’IN2P3
Reynald Pain, directeur de l'IN2P3, à l'Ecole polytechnique le 19 mai 2021
« Explorer les deux infinis » c’est par ces mots que Reynald Pain qualifie la mission des scientifiques de l’IN2P3, l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS. En tant que directeur de cet institut, qui fédère les laboratoires universitaires français de ce domaine depuis 1971, il est venu accompagné d’une délégation célébrer ce 50e anniversaire avec les membres du laboratoire Leprince Ringuet (LLR*) et de l’Organisation de micro-électronique générale avancée (OMEGA*), marquant ainsi la première étape d’un tour de France des laboratoires de l’IN2P3. Cette journée fut donc l’opportunité de revenir sur quelques temps forts de ces 50 années de recherches en commun dans l’infiniment petit et l’infiniment grand.
Des rayons cosmiques à l’astrophysique des particules
50 ans et même un peu plus, puisque le LLR a été créé, lui, il y a plus de 80 ans par Louis Leprince Ringuet, peu après son arrivée en tant que professeur à l’Ecole polytechnique en 1936. C’est le premier laboratoire de recherche de l’Ecole. Son activité se concentre alors sur l’étude du rayonnement cosmique, ce rayonnement de haute énergie qui arrive sur Terre en provenance de l’espace et qui explique le bruit observé dans les expériences de radioactivité. On découvre peu à peu qu’il est en fait constitué de tout un tas de particules. Les rayons cosmiques deviennent donc des signaux potentiels de nouvelles découvertes, détectés grâce à des chambres de Wilson qui montrent le passage des particules sous forme de traînées de condensation. Le laboratoire installe ce dispositif dans ses premières installations hors les murs, au laboratoire de L’Argentière dans les Hautes Alpes. Suivront le laboratoire des Cosmiques puis celui du Pic du Midi de Bigorre. Ces observations ont contribué à la découverte de nouvelles particules comme le kaon ou les hypérons.
Depuis cette époque, l’étude des particules cosmiques a évolué vers l’astrophysique des particules, ou « astroparticule » : il ne s’agit plus seulement d’observer l’Univers pour découvrir de nouveaux composants microscopiques, mais aussi d’extraire de l’information de la détection de ses composants pour en apprendre davantage sur l’Univers et les lois qui le gouvernent. Que ce soit les expériences sur les neutrinos avec Super-Kamiokande où les expériences d’astronomie gamma comme l’observatoire HESS en Namibie, ce sont de nouvelles fenêtres qui se sont ouvertes sur le cosmos.
Une moisson de résultat dans les accélérateurs
Cela n’a pas été la seule évolution. La généralisation des accélérateurs de particules dans les années 1950 a permis de reproduire, de systématiser et de pousser plus loin les études initiées avec les rayons cosmiques. En parallèle, les travaux théoriques ont commencé à bâtir des modèles afin de rendre compte de la moisson de résultats obtenus expérimentalement dans une théorie cohérente, qu’on appelle aujourd’hui le Modèle Standard de la physique des particules. Il s’agit d’une tentative « d’écrire le récit de l’Univers dans un langage universel » comme le souligne Yves Sirois, actuel directeur du LLR. Ces modèles prédisaient également de nouveaux phénomènes et de nouvelles particules, qui ont motivé en retour de nouvelles expériences dans un va-et-vient qui a joué, et joue encore, un rôle fondamental dans la progression de la discipline. Parmi les résultats majeurs, citons la découverte des « courants neutres », en 1973 au CERN grâce à la chambre à bulles Gargamelle, fruit de 20 ans de développement au LLR ; la découverte des bosons W et Z en 1983, également au CERN ; ou celle du boson de Higgs, en 2012, encore et toujours au CERN.
De la chambre de Wilson aux détecteur électroniques
Beaucoup des expériences qui ont conduit à ces résultats ont bénéficié de la longue tradition de conception mécanique, électronique et informatique du LLR, puis plus récemment d’OMEGA, spécialiste des circuits intégrés qui équipent par exemple les expériences ATLAS et CMS au CERN. Comme l’a rappelé Christophe de La Taille, directeur d’OMEGA « sans chips, il n’y a pas de détecteurs, et sans détecteurs, il n’y a pas d’expériences. » Des chambres de Wilson aux capteurs actuels fondés sur la microélectronique, d’énormes changements ont mené à de meilleures performances. Les chambres à bulles comme Gargamelle, par exemple, se sont révélées insuffisantes pour analyser les particules statistiquement rares. Les détecteurs électroniques peuvent désormais être « déclenchés » pour enregistrer les événements si ceux-ci se révèlent intéressants. Un tel système de déclenchement a ainsi été conçu au LLR pour l’expérience CMS pour l’accélérateur LHC du CERN, qui a contribué à la découverte du boson de Higgs. Même après ce tri, les quantités de données collectées restent colossales, ce pourquoi l’aspect informatique et calcul a pris une dimension primordiale dans la physique des particules d’aujourd’hui.
Il serait trop long de faire la liste exhaustive des contributions du LLR et d’OMEGA à l’histoire de la physique des particules et une chronologie plus complète peut être retrouvée ici. Si le Modèle Standard semble triompher, ce triomphe n’est pas complet : l’asymétrie matière antimatière, la matière noire ou encore l’origine de la masse des neutrinos restent des questions qui résistent encore aux physiciennes et physiciens. Avec des expériences qui se poursuivent comme celles sur le plasma de quarks et de gluons, ou avec Super-Kamiokande et à l’avenir Hyper-Kamiokande, ou encore avec le futur télescope gamma CTA, l’aventure continue, au moins jusqu’au prochain anniversaire.
*LLR : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris
OMEGA : une unité mixte de service CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris