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Daniel Lincot nommé à la chaire annuelle Innovation technologique du Collège de France

Chercheur émérite au CNRS et ancien directeur scientifique de l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France, Daniel Lincot donnera le 20 janvier sa leçon inaugurale à la chaire Liliane Bettencourt du Collège de France. Il y dressera un panorama de l’énergie photovoltaïque, allant des aspects historiques aux enjeux actuels de la transition énergétique.
07 jan. 2022
Chaires, Recherche, IPVF

Vos cours au Collège de France porteront sur l’énergie solaire photovoltaïque et la transition énergétique. Qu’avez-vous envie de transmettre ?

La chance qui m’est offerte d’enseigner au Collège de France me permettra de faire découvrir les derniers progrès, à la fois scientifiques et industriels, de la conversion photovoltaïque de l’énergie solaire. Ils ouvrent la voie, complètement nouvelle dans l’histoire, pour son utilisation à grande échelle. Pratiquement illimitée et renouvelable, elle suscite de nombreux espoirs dans la lutte contre le changement climatique. Je souhaite ainsi aussi répondre à certaines critiques qui tendent à minimiser son intérêt du fait de son « intermittence », de sa « dilution » ou alors qui affirment que les cellules solaires requièrent l’utilisation de terre rares, ne sont pas recyclables, ou remboursent à peine l’énergie grise nécessaire à leur fabrication. J’ai envie de fournir des éléments quantitatifs et actualisés, sans nier les questions qui se posent pour un développement à grande échelle. Et il ne s’agit pas que d’évoquer le côté technologique mais également les enjeux sociaux économiques et bien sûr écologiques.

Depuis les années 2000, le déploiement de l’énergie photovoltaïque est en forte croissance, qui s’accélère aujourd’hui. Quel était l’état des lieux lorsque vous avez commencé la recherche dans les années 1970 ?

L’effet photovoltaïque, c’est-à-dire le fait la lumière soit capable de générer de l’électricité lorsqu’elle éclaire certains matériaux, a été découvert par un savant français Edmond Becquerel au début du XIXe siècle dont nous venons de fêter le 200ème anniversaire de la naissance. Il a fallu attendre 1954 et la technologie des cellules silicium pour que le rendement de conversion décolle à 6 puis 13%. La technologie est immédiatement transférée à l’industrie spatiale naissante. Cependant, les coûts étaient trop élevés pour d’autres applications. Dans les années 1970, l’énergie solaire était surtout représentée par le solaire thermique ou le solaire à concentration. Sur les conseils de Michel Rodot, polytechnicien et artisan des premières cellules photovoltaïques au silicium françaises, j’ai choisi de faire une thèse sur le photovoltaïque. Avec le choc pétrolier de 1973, il y avait eu un coup de projecteur sur l’énergie solaire, une sorte de rêve collectif même : peut-être pouvions nous utiliser cette énergie si abondante comme alternative au pétrole. Mais ce n’était pas encore l’heure, face au développement de l’énergie nucléaire et la baisse des cours du pétrole.

Maintenant que le photovoltaïque a démarré, en bénéficiant d’une baisse généralisée de ses coûts, quelles sont les principales technologies de ce secteur ?

Enormément de matériaux peuvent servir pour la fabrication de cellules photovoltaïques, aussi bien inorganiques qu’organiques voire moléculaires et nous ne connaissons que la partie émergée de cet iceberg. C’est un domaine scientifique extraordinaire, porté par la recherche fondamentale, que les chercheurs explorent avec passion, que je présenterai durant mes enseignements. En pratique, la grande majorité (95%) des panneaux photovoltaïques sont constitués de silicium cristallin et ont un rendement commercial autour de 20%. Mais il y a aussi les technologies dites « couches minces », comme les cellules CIGS (à base de cuivre, indium, gallium, sélénium) sur lesquelles je travaille. Elles ont des rendements un peu moins élevés, sont encore un peu plus chères, mais possèdent un grand potentiel stratégique. En 2009 ont aussi émergés des matériaux exceptionnels, qui s’écartent des canons traditionnels des matériaux semi-conducteurs, les perovskites hybrides halogénées, dont la progression du rendement est fulgurante. Aujourd’hui, un objectif particulièrement ambitieux, porté en particulier par l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF*), est de faire converger les technologies photovoltaïques pour créer des cellules solaires « multijonctions » associant silicium et couches minces et atteindre de très hauts rendements (le record toute catégories est aujourd’hui de 46,7 % !). Je me prends à rêver d’une « diagonale du siècle » comme objectif : en 2020, les modules photovoltaïques commerciaux ont un rendement de 20% avec une seule jonction, il faut viser 30% en 2030 avec 2 jonctions, 40% en 2040, peut-être même 50% en 2050. Il y a du chemin, mais je suis déjà surpris de la place qu’a pris l’énergie solaire aujourd’hui, défiant toutes les prospectives de l’agence internationale de l’énergie comme le montre, en 2015, ce rapport du MIT. Il y a des raisons d’être optimiste, d’autant plus avec les progrès réalisés par les technologies de stockage et d’hydrogène.

*IPVF : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, Chimie Paristech-PSL, IPVF SAS

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