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Hi! PARIS, novateur par sa dimension multidisciplinaire
Hi! PARIS est un centre multidisciplinaire à l’instar des autres grands centres de recherche lancés par l’Institut Polytechnique de Paris et HEC Paris. Pourquoi l’interdisciplinarité est-elle si importante pour l’IA et la science des données ?
Eric Moulines : l’IA ne se limite pas aux algorithmes. C’est le sens de l’association entre IP Paris et HEC Paris. Dans les écoles d’ingénieurs, nous avons tendance à travailler sur tout ce qui est aspect méthodologique,développement de nouveaux algorithmes et de nouvelles théories qui expliquent ces algorithmes.
Cette association ouvre sur les implications de l’IA et il y a une vraie complémentarité entre IP Paris et HEC Paris. Les domaines d’expertise du Centre recouvrent trois ensembles : 1/ Le développement de nouvelles méthodes d’algorithmes et les théories les soutenants, 2/ les applications business de l’IA sur lesquelles HEC Paris travaille déjà et va continuer à avancer, 3/ et les sujets transverses qui concernent l’application de l’IA dans les grands problèmes de société. Les sujets sur lesquels nous travaillerons en commun, de manière interdisciplinaire, concerneront toutes les applications de l’IA dans nos sociétés, c’est-à-dire l’IA et la santé, l’IA et le droit, l’IA pour la régulation et aussi les problématiques d’IA pour la transition énergétique. De ce point de vue, Hi! Paris est vraiment un marqueur en France et se distingue en particulier des instituts dits 3IA, issus du rapport Villani, qui sont des instituts technologiques centrés essentiellement sur une problématique scientifique.
Thierry Foucault : Il y a un aspect qui est particulièrement novateur dans le Centre, c’est effectivement sa dimension multidisciplinaire. L’association d’un très grand institut de recherche en ingénierie dans les sciences dures avec une école de business de rang mondial est unique en France, et cela fait sens. Le rapport Villani s’intitulait « Donner du sens à l’IA ». Pour donner du sens à l’IA, il faut à la fois connaître les techniques de l’IA, mais également en saisir les implications sociales au sens large, par exemple économiques, juridiques, éthiques etc. Il est donc nécessaire de regrouper au sein d’un même centre de recherche des chercheurs d’expertises différentes, couvrant à la fois la science des données et les sciences sociales (gestion, économie, droit, psychologie etc.) et d’encourager une approche multidisciplinaire des questions posées par l’IA. C’est exactement ce que va permettre la création du Centre.
Quels vont être les domaines de recherche du Centre ?
Eric Moulines : Du côté d’IP Paris, nous allons travailler sur les méthodes pour l’IA et la science des données, c’est-à-dire le développement d’algorithmes qui sont au fondement des nouvelles méthodes d’IA, sur l’apprentissage statistique et les nouvelles tendances émergentes sur lesquelles nous devons nous positionner comme l’apprentissage par renforcement, l’apprentissage profond avec des développements de nature méthodologiques et théoriques, par exemple sur le traitement automatique du texte, sur la distribution à grande échelle des algorithmes, sur l’approche de l’apprentissage fédéré...
Du côté d’HEC Paris, sera développé tout ce qui est la compréhension de la Data science et de l’IA pour le business, l’IA et la Data en finance, en marketing, dans les organisations. Les sujets sur lesquels nous travaillerons en commun, de manière interdisciplinaire, concerneront toutes les applications de l’IA dans nos sociétés.
Thierry Foucault : Les grands thèmes de recherche du Centre seront définis avec les chercheurs affiliés au Centre et sa gouvernance. Il s’agit de fédérer les recherches qui existent déjà au sein de nos institutions concernant, d’une part le développement et l’utilisation des techniques de l’IA (par exemple ses applications dans le domaine du Marketing, de la Finance ou du droit) et d’autre part l’analyse de ses dimensions économiques (par exemple ses conséquences sur l’emploi ou la valeur de la donnée pour les acteurs économiques), sociales (par exemple, l’acceptabilité sociale de décisions entièrement automatisées), légales (par exemple les questions de propriété des données) et éthiques. Il s’agit également d’encourager, via des appels d’offre, les chercheurs à proposer des projets de recherche sur l’IA et ses implications et de soutenir le développement de ces projets et de renforcer la force de frappe scientifique de nos institutions dans le domaine de l’IA en recrutant des chercheurs travaillant sur l’IA au sens très large.
Quel sera l’apport du Centre en matière de formation et d’attractivité pour les étudiants ?
Thierry Foucault : La vocation d’Hi! PARIS est à la fois de produire de la connaissance sur le thème de l’IA et de transmettre cette connaissance, de manière à ce que les étudiants d’HEC Paris et IP Paris puissent s’approprier ces techniques et en comprendre à la fois tout le potentiel, les risques et les limites. C’est crucial : beaucoup d’entre eux vont se retrouver dans des entreprises où les données sont amenées à jouer un rôle croissant. Pourquoi et comment utiliser les données pour créer de la valeur tout en contribuant au bien commun ? Pour répondre à ces questions, il faut commencer par comprendre les techniques de l’IA et ses domaines d’application puis maîtriser la façon dont ces techniques peuvent être utilisées à des fins commerciales, tout en étant conscients des problèmes sociaux et éthiques de certaines utilisations. HEC Paris et IP Paris collaborent déjà dans le Master de Data Science in Business qui propose une formation technique en première année et une formation tournée vers les applications managériales de l’IA en deuxième année. L’objectif est de renforcer notre capacité à offrir des formations de ce type à différents niveaux en augmentant le nombre d’enseignants-chercheurs pouvant intervenir dans ces formations.
Une autre dimension est la formation des chercheurs, en doctorat ou post doctorat. De plus en plus fréquemment, les chercheurs en sciences sociales sont utilisateurs de techniques d’IA pour leur recherche. Par exemple, dans mon domaine de recherche, la finance, les chercheurs utilisent de plus en plus ces techniques pour tester les théories de valorisation des actifs financiers, développer des techniques de gestion du risque financier, ou encore pour caractériser certaines stratégies d’entreprise en utilisant l’analyse textuelle des rapports fournis par ces entreprises aux régulateurs ou autres.
Eric Moulines : Nous avons un potentiel d’étudiants qui est très fort. Mais il faut que nos étudiants nous repèrent, que nous soyons identifiés comme étant des acteurs majeurs du domaine, c’est un des enjeux de ce centre. Nous avons beaucoup de très bons étudiants qui alimentent Stanford, MIT. C’est cette perception vis-à-vis de nos étudiants qu’il faut changer. Nous sommes un acteur majeur, mais ça ne se sait pas assez. Pourquoi ? Si l’on regarde le potentiel de chercheurs, publiant dans les meilleures revues du domaine, nous représentons un ensemble qui est déjà très significatif. Mais nous sommes répartis dans plusieurs institutions et il n’y a pas une visibilité assez forte de cette recherche. Il y a une visibilité à l’intérieur des établissements, mais pas assez vis-à-vis de nos étudiants. Nous devons être capables d’attirer les meilleurs chercheurs européens et internationaux et les étudiants les plus brillants.