La recherche sur le nucléaire à l’X entre fusion et fission

23 fév. 2021

Le 11 mars 2021 maquera le dixième anniversaire de l’accident nucléaire de Fukushima, survenu à la suite d’un tsunami, consécutif à un séisme intervenu le même jour. Il s'agit de la deuxième catastrophe de centrale nucléaire la plus grave de l'histoire après la catastrophe de Tchernobyl (1986), dont les causes n’étaient pas de même nature, classée au niveau 7, le plus élevé sur l'échelle internationale des événements nucléaires (INES).

Si l’accident de Fukushima s’est traduit par un coup d’arrêt ou un infléchissement dans les programmes nucléaires civils de certains pays, le recours à l’énergie nucléaire s’est poursuivi dans beaucoup d’autres dans un contexte de volonté de maîtrise de leurs approvisionnements énergétiques et/ou de préparation de la transition énergétique dans le cadre de leurs engagements au titre de la lutte contre le réchauffement climatique.

Si certains pays ont abandonné ou sont en cours d’abandon du nucléaire – par exemple l’Italie ou l’Allemagne – d’autres restent de grands exploitants de parcs nucléaires – comme la France ou les États-Unis – voire étendent rapidement leurs parcs – comme la Russie et surtout la Chine. Enfin, on constate de nouveaux entrants : certains sont en train de se doter de leurs premiers réacteurs nucléaires – comme les Émirats Arabes Unis ou le Belarus – et d’autres ont exprimé le souhait d’accéder à cette énergie.

L’examen du nombre de réacteurs en exploitation et en construction suivant les pays illustre la transition en cours dans le domaine nucléaire. Si les plus grands parcs actuels se trouvent majoritairement dans les pays développés, on constate néanmoins que la plupart des constructions de réacteurs ont lieu dans les pays émergents, en Chine en particulier (un tiers des réacteurs en construction), mais aussi en Inde, en Russie, en Corée du Sud et aux Émirats Arabes Unis.

Les laboratoires de l’École polytechnique ne travaillent pas directement sur l’énergie nucléaire produite actuellement dans les centrales. Néanmoins, plusieurs chercheurs sont impliqués dans la compréhension de phénomènes liés à la fission nucléaire, et d’autres travaillent à comprendre la physique en jeu dans les projets de fusion nucléaire.

Fission nucléaire

Etudier les matériaux sous irradiation - Au Laboratoire des solides irradiés (LSI*), grâce à l’accélérateur d’électrons SIRIUS, les chercheurs sont capables d’étudier les effets de vieillissement et la tenue des matériaux sous irradiation. Ils ont par exemple travaillé sur l’étude des ciments phosphatés utilisés pour le traitement d’effluents acides, contaminés par du strontium, dans le cadre de la gestion des déchets. Ils étudient également les modifications induites par irradiation dans le dioxyde d’uranium, utilisés comme matériau combustible pour le nucléaire.

Modéliser le cœur des réacteurs - Les déformations du cœur des réacteurs couplent hydraulique, mécanique et forte irradiation des matériaux. Des chercheurs du Laboratoire de mécanique des solides (LMS*) les étudient à l’aide d’une approche multi-échelle dans un but d’optimisation économique de la gestion du combustible tout en garantissant la sureté d’exploitation.

Améliorer la sureté des cœurs de réacteurs - Des chercheurs du Centre de mathématiques appliquées de l’École polytechnique (CMAP*) étudient le couplage multi-physiques (neutronique, thermique du combustible, thermo-hydraulique, mécanique vibratoire) pour améliorer la simulation numérique en sureté des cœurs de réacteurs nucléaires.

Les incertitudes quant aux scénarios d’accidents - Le CMAP travaille également sur des problèmes de quantification des incertitudes dans les simulations numériques, en particulier pour des simulations multi-physiques de différents scenarios d'accidents dans des centrales nucléaires.

Prévenir des conséquences des accidents – Le laboratoire de Physique de la matière condensée (PMC*) travaille de concert avec le CEA pour modéliser le corium, un magma métallique et minéral qui peut se former au cœur du réacteur après un accident grave et qui est susceptible de provoquer une contamination de l’environnement extérieur s’il parvient à « s’échapper » par le sol en faisant fondre la cuve qui le contient.

Changement de combustible - Le prix Nobel et professeur émérite de l’X Gérard Mourou ambitionne d’améliorer les technologies de fission actuelles par l’utilisation de laser pour réduire le temps de vie des déchets nucléaires, ou pour activer la réaction de fission du Thorium, un élément radioactif dont les déchets ont un temps de demi-vie bien inférieur à ceux de l’uranium.

Fusion nucléaire

Alors que les technologies actuelles se basent sur la fission nucléaire (un gros atome qui se désintègre en deux atomes plus petits en émettant de l’énergie), un grand espoir est placé dans la production d’énergie par fusion nucléaire (deux petits atomes fusionnent en un plus gros atome, en produisant de l’énergie). La thématique des plasmas portée par l’Institut Polytechnique de Paris permet aux chercheurs de contribuer à la compréhension des enjeux scientifiques qui permettront cette innovation technologique.

Etudier numériquement les plasmas thermonucléaires de tokamak – Les chercheurs du groupe Théorie des plasmas du Centre de physique théorique (CPHT*) étudient les plasmas dans le cadre de la fusion et en particulier les mécanismes de reconnexion magnétique rapide, et de déchirement des surfaces magnétiques. Ils étudient également l’influence d’ions chauds sur la stabilité du plasma et modélisent les phénomènes de collision qui influencent la distribution des vitesses des ions au sein des plasmas. Enfin, les chercheurs du CPHT étudient le couplage laser-plasma dans le contexte de la fusion laser.

Comprendre les turbulences des plasmas de fusion par confinement magnétique – Des chercheurs du Laboratoire de physique des plasmas (LPP*) étudient les turbulences dans les plasmas de fusion. Le contrôle de ces turbulences est un enjeu majeur des recherches en fusion magnétique accompagnant la construction d’ITER. Le LPP collabore étroitement avec le CEA (Cadarache) sur le plan théorique et par la construction d’outils de diagnostics des fluctuations du plasma.

Améliorer la compréhension des plasmas – au-delà des travaux liés spécifiquement au confinement magnétique, plusieurs laboratoires travaillent sur les plasmas, leur compréhension, mais également la physique sous-jacente comme les équations d’état de certains matériaux pour la fusion. Ces laboratoires font partie de PLASMAScience, une Ecole universitaire de recherche (EUR) de l’Institut Polytechnique de Paris crée en 2020, avec pour mission de fédérer les activités plasmas, d’attirer les étudiants français et étrangers les plus brillants en Doctorat, Master, stages et de faire rayonner la recherche en plasmas au niveau international.

Une chaire d’enseignement et de recherche

Depuis 2008 et avec le soutien d’EDF, la Chaire « Énergies durables » a pour objectif de développer des activités de formation et de recherche dans le domaine des énergies durables, dont l’énergie nucléaire. Les enseignants de la chaire contribuent aux cours dans ce domaine, principalement dans le cycle ingénieur polytechnicien mais également en master. Portée par François Willaime, directeur de recherche au CEA et professeur à l’École polytechnique de l’Institut Polytechnique de Paris, les actions de recherche soutenues par la Chaire vont de l’amélioration des batteries et des cellules photovoltaïques à la maîtrise de la sûreté des réacteurs nucléaires et à l'augmentation de leur durée de fonctionnement, ainsi qu'aux systèmes nucléaires du futur.

*LSI : une unité mixte de recherche CEA, CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris
LMS : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris
CMAP : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris
PMC : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris
CPHT : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris
LPP : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, Observatoire de Paris, Sorbonne Université, Université Paris-Saclay

 

Retour