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La soutenabilité en actions à l'X : Combiner agriculture et énergie solaire - Saison 1, épisode 3
Ils se dressent au sommet de poteaux plantés dans un champ, mais ce ne sont pas des épouvantails. Ces panneaux solaires font partie de la ferme agriPV que les chercheurs et chercheuses du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD*) et du Centre interdisciplinaire Energy4Climate (E4C) ont conçu et installé sur le site de l’observatoire de recherche atmosphérique SIRTA. « Le but est de combiner la production d’énergie solaire renouvelable avec une activité agricole et d’étudier les conséquences que cela peut avoir à court terme et à long terme » explique Jordi Badosa, ingénieur de recherche à l’Ecole polytechnique et directeur technique d’E4C. L’intérêt de l’agriPV est certes d’utiliser une partie des surfaces agricoles –très importantes à l’échelle mondiale– pour accroître les ressources en électricité renouvelable et bas carbone, mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment des cultures. Cela peut même leur apporter des bénéfices : l’ombrage des panneaux solaires peut limiter l’évaporation du sol, et aider les plantes à résister aux sécheresses ; ces panneaux peuvent aussi protéger de la grêle ou du gel auquel certaines cultures comme la vigne sont très vulnérables. Aujourd’hui, ces installations agriPV commencent donc à se développer dans plusieurs pays.
Construire une méthodologie robuste
Cependant, de nombreuses déclinaisons d’installations sont possibles, chacune avec des impacts différents. « Il y a différentes manières de positionner les panneaux, qu’ils soient fixes, mobiles, en position horizontale ou verticale ; le type d’activité agricole et de plantes ont chacune leur sensibilité et enfin le climat local et le type de sol joue un rôle » énumère Jordi Badosa. Face à ces multiples paramètres, il s’agit de trouver une méthodologie scientifique qui évalue ces impacts de façon robuste sur la production électrique et de nourriture, mais aussi la consommation d’eau, ce qui contribuera au développement optimal de l’agriPV. Le caractère interdisciplinaire des recherches joue par conséquent un rôle majeur. Chercheurs, ingénieurs, climatologues, agronomes, spécialiste de la modélisation, tous les profils se rencontrent et collaborent sur ce projet qui possède un double aspect, expérimental et numérique.
Le volet expérimental se matérialise sur le campus de l’Ecole polytechnique, sur le site de l’observatoire atmosphérique SIRTA, par un démonstrateur de ferme photovoltaïque. Environ 470 m² de surface cultivable sont pourvues de rangées de panneaux photovoltaïques, espacées de 5,5 m, sur des poteaux à 2,5 m du sol. S’ajoutent 250 m² de zone « témoin », où les cultures sont identiques, les panneaux en moins, afin de permettre les comparaisons. Toute une série de capteurs permettent de suivre l’évolution de la petite ferme. De la luzerne y pousse actuellement, dont les graines ont été fournies par l’INRAE, partenaire du projet. Le prochain cycle de culture combinera la luzerne avec le blé, afin d’étudier la synergie entre ces plantes sous une installations photovoltaïques.
De l’échelle locale à l’échelle régionale
Un des buts est d’accumuler suffisamment de données, sur plusieurs années, qui permettront à la fois de faire des statistiques pertinentes mais aussi d’alimenter des modélisations des systèmes agriPV. Mais ce volet numérique ne concerne pas que l’échelle locale du plateau de Saclay : les scientifiques étudient le déploiement dans d’autres climats. Lia Rapella, doctorante E4C au sein du LMD, s’est penchée par exemple sur le cas de l’Espagne et des Pays-Bas. « A partir des modèles climatiques qui fournissent les valeurs d’ensoleillement, de vent, de température, je calcule comment ces variables sont affectées par la présence de panneaux solaires, selon différentes configurations. Puis le modèle ORCHIDEE me permet d’en déduire les conséquences sur la croissance de différentes plantes et les besoins en eau » détaille Lia Rapella. Certaines configurations pourvoient plus d’ombre, comme celle où les panneaux s’orientent au cours de la journée pour rester perpendiculaires aux rayons du Soleil, ce qui aide les plantes dans les régions espagnoles chaudes et sèches, mais se révèle moins utile au Pays-Bas. Ce travail fournit donc des tests de sensibilité montrant dans quels cas l’agriphotovoltaïque peut être bénéfique ou non. « A terme, nous souhaitons effectuer cette modélisation à l’échelle de l’Europe, et en prenant en compte l’évolution future avec le changement climatique » précise la doctorante.
D’autres études sont prévues, comme l’analyse du cycle de vie (notamment l’empreinte carbone) de l’ensemble de la ferme. L’ensemble des données et des résultats sera partagé avec toute la communauté, que ce soient les scientifiques, les industriels et les agriculteurs.
*LMD : une unité mixte de recherche CNRS, ENS-PSL, Sorbonne Université, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France
Ce travail a bénéficié́ d'une aide de l’État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre de France 2030 portant la référence 22-PETA-0007
Le projet AgriPV de l’observatoire atmosphérique SIRTA est une initiative du Centre Interdisciplinaire Energy4Climate (E4C) de l'IP Paris et de l'Ecole des Ponts ParisTech, qui est en partie soutenu par le 3ème Programme d'Investissements d'Avenir [ANR-18-EUR-0006-02], et par la Fondation de l'Ecole polytechnique (Chaire « Défis Technologiques pour une Énergie Responsable » financée par TotalEnergies).
L’installation AgriPV du SIRTA a aussi bénéficié du soutien financier de la Région Ile-de-France dans le cadre de la convention N°1760 relative au soutien aux équipements du programme 2016 du DIM R2DS.
L’Observatoire de Recherche Atmosphérique SIRTA (https://sirta.ipsl.fr) est coordonné par l’Institut Pierre Simon Laplace et soutenu pour son fonctionnement et son développement par les organismes suivants : CNRS, Ecole Polytechnique, UVSQ, ENPC, CEA, INERIS, EDF R&D, Météo-France.