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Le mouvement collectif des cellules vu sous l'angle de la mécanique des fluides
Dès le développement embryonnaire et tout au long de notre vie, les cellules de notre corps sont en mouvement constant. Les cellules peuvent se déplacer seules ou en groupes coordonnés, un processus appelé "migration collective". Une question qui fascine depuis longtemps les scientifiques est de savoir comment les cellules se déplacent et comment elles sont guidées pour atteindre leur emplacement cible. Historiquement, ces questions ont été principalement envisagées d'un point de vue biochimique, avec l'identification de molécules impliquées dans la migration cellulaire.
Cependant, au cours des dernières décennies, l'importance des facteurs physiques dans la migration cellulaire collective a été reconnue et a suscité un intérêt croissant de la part des physiciens qui ont démontré les similitudes avec la mécanique des fluides. En effet, des groupes de cellules se déplaçant collectivement peuvent présenter par exemple des mouvements tourbillonnaires semblables à ceux de l’écoulement turbulent d’un fluide. En outre, les scientifiques ont observé que le confinement en 2D de groupes de cellules sur des zones adhésives de formes spécifiques peut générer des motifs originaux de mouvements tels que des rotations ou mouvements bidirectionnels.
Dans une étude publiée dans Nature Communications, une équipe de chercheurs du Laboratoire d'Hydrodynamique de l’École Polytechnique (LadHyX*) s'est intéressée à ces questions dans un cadre plus physiologique. Plutôt que d'imposer un confinement global de la population cellulaire, ils les ont cultivées sur des substrats composés de rainures parallèles micrométriques qui imposent des contraintes à la surface de chaque cellule et conduisent à leur allongement et à leur alignement dans la direction des rainures. Ce type de contrainte est plus représentative de la réalité in vivo, où les cellules sont guidées et orientées par les fibres de la matrice extracellulaire à laquelle elles adhèrent. En filmant le mouvement de cellules endothéliales vasculaires (les cellules qui tapissent la surface interne de nos vaisseaux sanguins) sur ces micro-rainures, un mouvement collectif original a été observé. Il est caractérisé par des flux périodiques antiparallèles, c'est-à-dire des couloirs de cellules qui se déplacent alternativement de droite à gauche et de gauche à droite dans la direction des micro-rainures, comme on le voit dans le film ci-dessous:
"Pour expliquer l'émergence de ce motif surprenant, nous nous sommes associés à un physicien qui a développé un modèle mathématique où les cellules sont considérées comme un fluide actif", explique Claire Leclech, première autrice de l'étude. Ce modèle est capable de prédire la formation des flux cellulaires antiparallèles observés expérimentalement. Les chercheurs ont enfin démontré que d’autres contraintes externes capable d’orienter les cellules, tel qu’un flux unidirectionnel appliqué à leur surface, conduisent aussi à l’apparition de ce même mouvement collectif. En identifiant les éléments minimaux nécessaires à l’émergence d’un mouvement cellulaire collectif particulier, cette étude souligne une fois de plus l'intérêt de rapprocher la biologie et la physique.
*LadHyX : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris