Les jets de quasars : accélérateurs de particules cosmiques

17 juin. 2020
Recherche

Image composite de Centaurus A

Image composite de Centaurus A, révélant les jets émergeant du trou noir central de la galaxie, et l'émission gamma associée. © ESO/WFI (Optical); MPIfR/ESO/APEX/A.Weiss et al. (Submillimetre); NASA/CXC/CfA/R.Kraft et al. (X-ray), H.E.S.S. collaboration (Gamma)

En utilisant le réseau de télescopes H.E.S.S. installé en Namibie, une collaboration internationale regroupant plus de 200 scientifiques de 13 pays a démontré que les jets de plasma produits par les quasars accélèrent les électrons à des vitesses vertigineuses, se rapprochant de celle de la lumière. Ces travaux impliquant des chercheurs du Laboratoire Leprince Ringuet révélent le rôle des jets de quasars dans l’accélération des particules cosmiques ont été publiés dans Nature le 18 juin 2020.

Les rayons gamma pour observer l’univers

Depuis plusieurs années, l’Univers est observé à travers le prisme du rayonnement gamma, des photons à très haute énergie. Ces rayons, qui constituent une partie des rayons cosmiques bombardant la Terre en permanence, proviennent des endroits de l’Univers où les particules sont accélérées jusqu’à des énergies colossales, inaccessibles aux accélérateurs construits par les humains. De nombreux objets cosmiques émettent ces rayons, tels que les quasars, des galaxies dites actives possédant un cœur très énergétique. L’intensité des rayons émis par ces derniers peut varier sur des échelles de temps très courtes, allant jusqu’à la minute. La communauté scientifique pensait ainsi que la source de ces rayons est très petite et localisée à proximité d’un trou noir supermassif (plusieurs milliards de fois la masse du Soleil). Le trou noir avalerait la matière qui tombe sur lui en spirale et en éjecterait une petite portion sous la forme de grands jets de plasma, à des vitesses relativistes proches de celle de la lumière, contribuant à la redistribution de la matière dans l’Univers.

H.E.S.S. : des yeux pour les rayons gamma

À l’aide de l’observatoire H.E.S.S.1, installé en Namibie, une collaboration internationale en astrophysique a observé une radiogalaxie (galaxie très lumineuse quand on l’observe dans le domaine des ondes radio) pendant plus de 200 heures, avec une précision inégalée. Cette radio galaxie, la plus proche de la Terre, est particulièrement propice à une telle étude : elle a permis aux scientifiques d’identifier la région émettant les rayons à très haute énergie tout en étudiant la trajectoire des jets de plasma. Ils ont alors démontré que la source de rayons gamma s’étend sur une distance de plusieurs milliers d’années-lumière. Cette émission étendue signifie que l’accélération de particules ne se fait pas uniquement à proximité du trou noir mais également tout le long des jets de plasma. À la suite de ces nouveaux résultats, on pense maintenant que les particules seraient ainsi ré-accélérées par des processus turbulents le long du jet. Cette découverte suggère que de nombreuses radiogalaxies aux jets étendus pourraient accélérer des électrons à ces énergies extrêmes et émettre des rayons gamma, ce qui permettrait d’expliquer une partie substantielle du rayonnement de fond gamma diffus extragalactique.

Une redistribution d’énergie dans l’univers

Ces observations apportent de nouvelles connaissances importantes sur les émetteurs cosmiques de rayons gamma et notamment le rôle des radiogalaxies en tant qu’accélérateurs d’électrons relativistes très efficaces. Du fait de leur grand nombre, celles-ci contribueraient collectivement, de façon très significative, à la redistribution d’énergie dans le milieu intergalactique. Les résultats de cette étude ont nécessité des observations approfondies et des techniques d'analyse optimisées avec l'observatoire de rayons gamma H.E.S.S., le plus sensible à ce jour. La prochaine génération de télescopes (Cherenkov Telescope Array, ou CTA) permettra certainement d’observer encore plus finement ce phénomène.

> En savoir plus sur H.E.S.S. :

Les rayons gamma : un autre regard sur l’univers

Détection de rayons gamma de très haute énergie dans Nature

 

Retour