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Les X pour la Planète – Les Précurseurs – Dans la famille Becquerel, je voudrais le grand-père Antoine-César, le père Edmond et le petit-fils, Henri.
S’il y a des dynasties de polytechniciens, peu se sont autant retrouvées au cœur des débats sur la soutenabilité que celle des Becquerel. Non qu’ils s’y soient tous impliqués mais certaines de leurs découvertes, et ils n’en ont pas été avares, alimentent les controverses d’aujourd’hui sur le monde de demain.
Et s’il y avait un jeu des 7 familles polytechniciennes, la lignée des Becquerel pourrait prétendre incarner celle de la transition énergétique. A commencer par le grand-père Antoine-César, né le 7 mars 1788 à Châtillon-sur-Loire dans le Loiret et mort à Paris le 18 janvier 1878. A sa sortie de l’École polytechnique, il entre d’abord dans l’armée et fera les dernières campagnes du 1er Empire avec le grade de capitaine du génie. Il donne sa démission de chef de bataillon en 1815 pour se consacrer à son goût pour les sciences et l’étude des phénomènes électriques pour lesquels la liste de ses découvertes est impressionnante.
Membre de l’Académie des sciences dès 1829, il en est élu président en 1838 et devient professeur au Muséum d’Histoire naturelle, titulaire de la chaire de Sciences physiques appliquées aux Sciences naturelles, créée par décision de la Chambre des députés, le 24 juillet 1838.
Il s’installe avec sa famille au 57 de la rue Cuvier, à Paris, et y aménage son laboratoire où lui-même, son fils cadet Edmond, son petit-fils Henri et son arrière-petit-fils Jean travailleront.
Auteur prolifique de plusieurs centaines d’ouvrages scientifiques, Antoine-César s’est aussi intéressé aux questions agricoles contribuant à l’amélioration de sa Sologne natale. Il a aussi participé aux vifs débats sur l’influence des forêts sur le climat dans lesquels François Arago, son quasi-contemporain, lui aussi polytechnicien, s’est illustré.
Dans son étude intitulée « Des climats et de l’influence qu’exercent les sols boisés et non boisés » publiée en 1853, Antoine-César replace la question de l’influence des forêts sur le climat dans un contexte mondial et il parvient à la conclusion que les forêts rafraîchissent le climat, préviennent la dégradation de l’environnement dans les régions montagneuses et améliorent la qualité de l’air en nous protégeant contre les miasmes.
Passionné par les minéraux phosphorescents, il les collectionne, ce qui ne sera pas sans influence sur les travaux de son fils Edmond, ce qui ne sera pas sans influence sur les travaux de son fils Edmond consacrés à la luminescence et à la fluorescence puis de son petit-fils Henri découvreur de la radioactivité.
Né le 24 mars 1820, Edmond Becquerel réussit le concours d’entrée à l’X en 1838 mais abandonne rapidement ses études pour devenir préparateur de son père dans la chaire de physique appliquée aux Sciences naturelles. Il n’a pas 19 ans quand sont publiés en France les principes de la photographie. Il s’y intéresse immédiatement. Comme photographe, il réalise des vues de Paris. Comme scientifique, il utilise les procédés chimiques de cette nouvelle technologie pour ses recherches sur l’analyse du spectre solaire, obtenant des résultats qu’il considère comme la preuve que les rayons au-delà du violet sont de la lumière.
Afin de pouvoir mesurer les effets de la lumière et de son intensité par l’intermédiaire de courant électrique, il conçoit ce qu’il appelle un actinomètre électrochimique. Deux plaques photosensibles recouvertes d’une couche de chlorure d’argent sont placées dans deux compartiments d’eau acidifiée. Une plaque est exposée à la lumière tandis que la seconde est dans l’obscurité. Un galvanomètre permet de mesurer un faible courant électrique dû à l’exposition de la première plaque à la lumière : c’est l’effet photovoltaïque.
Si le principe d’une possible conversion de la lumière en énergie était établi, la production d’énergie solaire n’était pas la préoccupation d’Edmond Becquerel et ce n’est qu’en 1883 que sa découverte a été utilisée par un chercheur américain, Charles Fritts, pour produire une cellule photovoltaïque en recouvrant une galette de sélénium par de très fines couches d’or. Cette première tentative de production d’une unité base d’un panneau solaire a buté sur deux obstacles : le coût des matériaux et la faiblesse du rendement.
Plusieurs avancées sont enregistrées dans les années qui suivent mais ce n’est qu’en 1916 qu’un autre physicien américain, Robert Millikan, parvient à produire un courant continu. Le premier véritable panneau solaire, avec rendement de 6%, est développé en 1954 par trois chercheurs, toujours américains, Gerald Pearson, Darryl Chapin et Calvin Fuller, travaillant pour les laboratoires Bell.
La filière photovoltaïque ne prend vraiment son essor qu’avec les débuts de l’exploration spatiale et les recherches menées pour améliorer l’approvisionnement en énergie des satellites. De premières cellules photovoltaïques ont été envoyées dans l’espace en 1958 fixées à l’extérieur du satellite Vanguard 1. Les premiers panneaux solaires ont été lancés dans l’espace en 1959 attachés au satellite Explorer 6.
L’usage des cellules photovoltaïques et des panneaux solaires s’est généralisé à partir des années 70 grâce à une diminution progressive de leur coût qui a favorisé le développement d’installations domestiques.
Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, la part de l’énergie solaire dans le bilan énergétique mondiale est passée de 0,1% en 2010 à 3% en 2020. Depuis 2010, la part du solaire connaît une progression de 30% par an.
Renouvelable et abondante, l’énergie solaire est présentée comme une des solutions de la nécessaire transition énergétique. Elle n’en a pas moins ses détracteurs qui pointent son caractère intermittent, les difficultés de stockage ou encore son impact environnemental. Mais les débats qu’elle suscite sont bien moins enflammés que ceux qui entourent une autre source d’énergie, l’énergie nucléaire, dont Henri Becquerel a lancé la grande aventure en découvrant la radioactivité naturelle de manière inattendue en 1896.
Fils d’Edmond, Henri naît en 1852. Il est reçu à l’École polytechnique en 1872 et intègre le Corps des Ponts et Chaussées en 1874. Il obtient son diplôme d’ingénieur en 1877 et s’oriente vers la recherche. Ses premiers travaux concernent l'optique, puis il s'intéresse à partir de 1875 vers la polarisation.
En 1883, il étudie le spectre infrarouge des vapeurs métalliques, avant de se consacrer, en 1886, à l'absorption de la lumière par les cristaux, sujet qu’il soutiendra en 1888 dans le cadre de sa thèse. L'année suivante, il est élu à l'Académie des sciences, comme son père et son grand-père l'avaient été avant lui.
Il s’éloigne un temps de la recherche pour se consacrer à l’enseignement, notamment à l’École polytechnique où il est répétiteur adjoint de physique depuis octobre 1882 avant de devenir professeur de physique à partir de 1895.
La découverte des rayons X en novembre de la même année crée une véritable frénésie au sein de la communauté des physiciens de l’époque, rappelle Hugo Kreyder (X2017) dans un hommage à Henri Bergson publié en 2022 et donc les paragraphes suivants sont issus.
D’où peut venir ce rayonnement ? Aurait-il un lien avec les phénomènes de luminescence ? En raison de l’héritage familial dans l’étude de ces phénomènes ainsi que de la variété de minéraux phosphorescents présents dans ses collections, Henri Becquerel tente alors de caractériser un lien entre ce rayonnement et la phosphorescence.
Grand expérimentateur, il expose des minéraux phosphorescents au soleil pour tenter d’observer un rayonnement X, en vain. Après ces échecs, il renouvelle l’expérience avec des sels d’uranium : ces derniers sont exposés au soleil et doivent impressionner une plaque photographique enveloppée dans du carton noir lors de leur décharge. Bien que ténue, Henri Becquerel observe bien une impression sur les films photographiques.
Une semaine plus tard, voulant répéter l’expérience sur d’autres sels d’uranium, il est arrêté dans son élan par les nuages de fin février qui lui cachent le soleil. Dépité, il range son film photographique emballé dans du carton noir et ses sels d’uranium dans un tiroir. Le 1er mars, il découvre que ses échantillons ont bien été impressionnés alors même que l’uranium était totalement à l’abri du soleil ! Le lendemain, il annonce sa découverte à l’Académie des sciences : l’impression des plaques par l’uranium n’est pas liée à un phénomène de phosphorescence, l’uranium qu’il soit ou non exposé au soleil émet des rayonnements pénétrants.
Henri Becquerel vient de découvrir la radioactivité naturelle… qui lui vaudra de partager le Prix Nobel de Physique avec Marie et Pierre Curie en 903 pour leurs découvertes sur la radioactivité et ses propriétés. L'unité physique de la radioactivité, le becquerel (Bq), est par ailleurs nommée en son honneur. Henri Becquerel meurt le 25 août 1908 au Croisic.
Sources :
*Henri Becquerel (X1872) par Hugo Kreyder (X2017) dans l’annuaire 2022 de l’Association des anciens élèves et diplômés de l’Ecole polytechnique (AX).
*Antoine Becquerel, Henri Becquerel dans Biographies polytechniciennes. Sabix. Société des amis de la bibliothèque et de l’histoire de l’Ecole polytechnique.
*Symposium international : A la lumière d’Edmond Becquerel – Paris 7 décembre 2020.
Liens vers les autres épisodes :
Des X pour la Planète – Les Précurseurs - François Arago – Les forêts et le climat
Des X pour la Planète – Les Précurseurs - Georges Fabre – L’X qui plantait des arbres
Des X pour la Planète – Les Entrepreneurs – Sarah Lamaison – La fille de l’océan
Des X pour la Planète – Les Entrepreneurs – Antoine Guyot – Atomic Man
Des X pour la Planète - Les Entrepreneurs - Nicolas Cruaud - Anthropocite contre Anthropocène