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L’X et Columbia en union sur l’astrophysique des hautes énergies
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Leur passion commune pour l'étude des blazars a conduit Deirdre Horan, chercheuse au laboratoire Leprince-Ringuet de l’École Polytechnique et au CNRS, et Reshmi Mukherjee, professeur de recherche au Barnard College de l'Université de Columbia, à se rencontrer alors qu'elles travaillaient dans le cadre du projet VERITAS1 avec les télescopes à imagerie Tcherenkov atmosphérique installés en Arizona, aux États-Unis.
Menant toutes les deux des recherches portant sur les émissions de haute énergie provenant des jets relativistes des blazars, les deux chercheuses ont dès lors nourri le souhait de collaborer, même si leurs carrières respectives les ont conduites sur différents continents.
Le programme de professeur invité proposé par le réseau international Alliance, comprenant l’X, l'université de Columbia et deux autres institutions, a servi de cadre à leur collaboration de recherche. Il a permis à Reshmi Mukherjee de travailler près de huit mois en tant que professeur invité d’Alliance au Laboratoire Leprince-Ringuet de physique des particules et d'astrophysique (LLR)2 de l'École polytechnique en 2013. Depuis, elle continue à mener des projets communs avec Deirdre Horan, tout en encadrant des étudiants en doctorat comme co-directrices de thèse.
De l’Arizona à Palaiseau
Après avoir travaillé sur les expériences Whipple et VERITAS aux États-Unis pendant ses bourses de recherche au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics et au laboratoire national d'Argonne, Deirdre Horan a rejoint le CNRS et le groupe de recherche sur les rayons gamma du LLR/École polytechnique en 2008 afin de travailler sur le Fermi Gamma-ray Space Observatory dès son lancement.
Résultant d'une collaboration entre la NASA, le département de l'Énergie des États-Unis et la participation de laboratoires de recherche en Allemagne, France, Italie, au Japon et en Suède, le Gamma-ray Large Area Space Telescope (LAT) spatial Fermi est placé en orbite à une altitude permettant de s’affranchir de l’opacité de l’atmosphère terrestre, et permet ainsi d'observer des phénomènes astrophysiques et cosmologiques tels que les galaxies actives.
« Les projets de recherche de Reshmi et moi-même portent sur les blazars, une sous-catégorie des noyaux actifs de galaxie dont les jets relativistes sont orientés vers la Terre et plus particulièrement, sur leur émission de rayons gamma que nous étudions pour apprendre plus sur les propriétés et l’origine de ces jets dans le but de comprendre ce qui provoque les flares que nous y détectons souvent », explique Deirdre Horan.
Placé sur un orbite basse terrestre, le LAT Fermi peut recueillir des données qui complètent celles collectées par des télescopes terrestres tels que le VERITAS sur lequel travaille Reshmi Mukherjee principalement.
« Pour comprendre ces flares, il est crucial d’étudier simultanément les différentes longueurs d’onde du spectre du rayonnement électromagnétique », indique Deirdre Horan et précise : « Le grand champ de vue du LAT de Fermi permet d’alerter le groupe de recherche dès qu'un blazar émet un flare. Nous pouvons alors pivoter les autres instruments d’observation, y compris les télescopes de VERITAS, pour les diriger vers ce flare et recueillir ainsi des données sur l'ensemble du spectre électromagnétique et réaliser des études multi-longueurs d'onde pour mieux comprendre les propriétés et lois de ces galaxies ».
Deirdre Horan et Reshmi Mukherjee intègrent dans leur recherche des données captés par de collègues du monde entier et allant des ondes radio aux rayons ultraviolets et X jusqu’aux rayons gamma de très haute énergie. En étudiant les mécanismes à l’origine des flares, alles visent également de mieux analyser les états de repos des blazars lorsqu’ils n’émettent pas.
Depuis leur début de collaboration, les deux chercheuses ont ouvert leur collaboration à trois doctorants qu'elles ont supervisés à l'École polytechnique et à l'université de Columbia, et qui ont à leur tour pu bénéficier du soutien de l'Alliance. Plusieurs articles qu’elles ont co-signés ont été publiés dans des revues scientifiques par la suite.
Mystère irrésolu
Lors de la récente visite de Reshmi Mukherjee en septembre-octobre 2024, elle a commencé avec Deirdre Horan à « étudier le rapport entre les blazars et les sources de neutrinos, et en particulier des neutrinos de haute énergie détectés par l’observatoire de neutrinos IceCube au pôle Sud », raconte Reshmi Mukherjee.
« De nombreuses questions dans la recherche sur les blazars restent sans réponse pour le moment, à commencer par la localisation de la région émettrice des rayonnements gamme de très haute énergie, les mécanismes d’accélération de particules cosmiques à l’origine de telles énergies ou encore l’origine des flares », explique Reshmi Mukherjee. Elle et Deirdre Horan ne risquent donc pas d'être à court d’études à mener de de sitôt.
Précisant que « les neutrinos sont des particules élémentaires dépourvues de charge électrique et produites lors des interactions avec les rayons cosmiques », Reshmi Mukherjee révèle que l'étude des neutrinos de haute énergie qui ont été récemment découverts pour détecter leur origine et leur lien avec des blazars « pourrait faire l'objet d’une future collaboration entre Deirdre et moi ».
« L'origine des rayons cosmiques de la plus haute énergie reste un mystère et ceux-ci résultent à priori d’une source extérieure à notre galaxie, la Voie lactée », ce qui fait des jets de particules collimatés ultra-relativistes émanant des blazars un site potentiel de ces rayons cosmiques de très haute énergie, explique Reshmi Mukherjee.
Immersion dans la recherche de l'X
Pendant son séjour sur le campus de l'École Polytechnique, Reshmi Mukherjee a occupé un bureau adjacent à celui de Deirdre Horan ce qui leur a permis de « travailler plus intensément ensemble, de participer à des ateliers et d’ouvrir la collaboration potentiellement à d'autres collègues », relate Deirdre Horan.
« Le fait que Reshmi étais ici pendant deux mois a permis de consolider notre collaboration davantage », estime-t-elle et ajoute qu’« ainsi, Reshmi a pu rencontrer également d'autres collègues qui travaillent sur des sujets scientifique qui l'intéressent, comme la polarimétrie par exemple. Sa présence en tant que professeure invitée a contribué à renforcer le lien entre notre groupe de recherche et Columbia ».
Bien qu’un « séjour deux mois grâce à la bourse d’Alliance ne soit pas suffisant pas pour mener à terme un projet complet, nous avons démarré un nouveau chapitre de notre collaboration sur lequel nous pouvons maintenant avancer chacune de son côté », déclare Reshmi Mukherjee. Elle souligne que le programme Alliance a rendu possible non seulement « la collaboration scientifique productive et stimulante avec le groupe de recherche de Deirdre Horan, mais lui a offert aussi l’opportunité de découvrir la culture, l’art et le mode de vie français ». Elle a particulièrement apprécié les « discussions avec les étudiants en Master et les doctorants au sujet de leurs projets de recherche et l'échange d'idées avec les chercheurs du laboratoire sur de nombreux sujets allant des détecteurs de rayons gamma MeV à la mission Fermi-LAT, en passant par les techniques d'analyse avancées ».
Alliance Visiting Professorship
Le réseau Alliance propose chaque année aux membres des facultés des institutions partenaires – l’université de Columbia University, École polytechnique, Sciences Po et Paris 1 Panthéon-Sorbonne - de participer à un échange transatlantique en tant que professeure ou professeur invité, pour renforcer les liens entre les institutions et engager des collaborations éventuelles. La période passée à l’établissement partenaire en tant que professeur invité varie et peut aller de quelques semaines à un semestre entier. Pendant leur échange, les participants peuvent continuer à poursuivre leurs recherches, participer à des séminaires et donner des conférences.
1 Very Energetic Radiation Imaging Telescope Array System (en français : Système d'imagerie de radiation très énergétique par réseau de télescopes)
2 LLR : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris
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Deirdre Horan
Le ciel nocturne clair et étoilé d’Irlande d’où elle est originaire a peut-être contribué à éveiller l’intérêt de Deirdre Horan pour l’astrophysique. Après avoir obtenu sa licence en physique expérimentale à l'University College Dublin avec la mention très bien, Deirdre Horan a continué ses études en doctorat et bénéficié d’une bourse pré-doctorale au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics en Arizona, aux États-Unis.
Après son doctorat, elle a dirigé le télescope Whipple 10m pour l’observation de blazars pendant la mise en service de l’observatoire d'astronomie gamma VERITAS. Deirdre Horan a centré sa recherche sur les blazars et les sursauts gamma, et est devenue directrice adjointe du groupe de travail scientifique VERITAS Blazar, au sein duquel elle est restée très active pendant son post-doc à l'Argonne National Laboratory, dans l'Illinois.
Deirdre Horan a rejoint le CNRS et le Laboratoire Leprince-Ringuet de physique des particules et d'astrophysique (LLR) de l'École polytechnique en 2008. En collaboration avec Scott Wakely de l'Université de Chicago, elle gère par TeVCat depuis 2006. Ce catalogue pour l'astronomie des rayons gamma TeV, qui est accessible en ligne et constitue un outil unique et utile pour le travail des chercheurs pairs.
Reshmi Mukherjee
Après ses études de physique et mathématiques au Presidency College à Calcutta, en Inde, Reshmi Mukherjee a rejoint l'université Columbia à New York, où elle a obtenu son doctorat pour ses travaux sur le développement des chambres à projection temporelle de chambres au xénon liquide (LXe), qui sont aujourd'hui largement utilisées comme détecteurs de matière noire dans les laboratoires souterrains.
Après avoir obtenu son doctorat, Reshmi Mukherjee a rejoint la mission EGRET au Compton Gamma-Ray Observatory de la NASA, où elle a étudié des rayons gamma et travaillé à la découverte de nouveaux noyaux actifs de galaxie à rayonnement gamma. Par la suite, en tant que scientifique invitée à l'université McGill, Reshmi Mukherjee a travaillé sur le développement de télescopes Tcherenkov atmosphériques au sol, ce qui l'a conduite à l’observatoire VERITAS de télescopes Tcherenkov installés au sol en Arizona, où elle a rencontré Deirdre Horan.
Membre de la faculté du Barnard College de l'université Columbia, Reshmi Mukherjee y enseigne aujourd’hui, supervise des recherches de premier cycle et mène des recherches avec son équipe en tant que chercheur principal explorant les frontières de l'astrophysique de très haute énergie.