À l’X, la présidente de la BCE vante l’engagement, les femmes et le consensus

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), a échangé le 20 avril avec les élèves-ingénieurs de l’École polytechnique, ses étudiants et ceux de l’Institut Polytechnique de Paris, à l’occasion d’une de ses rares prises de parole au sein d’un pays membre de l’UE dont elle dirige l’une des grandes institutions.

Dans une tenue aux couleurs de l’Europe, Christine Lagarde a mis en exergue trois enjeux déterminants pour la BCE, dont elle a rappelé que l'objectif principal est la stabilité des prix.

Une mondialisation transformée, la fragmentation des échanges de biens, de services et des investissements internationaux recomposent l’économie mondiale, a-t-elle souligné.

« Cela a et aura plus probablement un impact certain sur le niveau des prix parce que l’élasticité dont nous avions bénéficié, qui nous permettait de nous tourner vers telle ou telle source d’approvisionnement, s’est tout à coup heurtée à cette fragmentation et à cette géopolitisation des échanges », a-t-elle estimé.

« Notre politique monétaire doit évidemment déployer tous ses outils de politique monétaire pour ramener l’inflation à la cible de 2% à moyen terme, que nous nous sommes fixée. »

La présidente de la BCE a rappelé l’accélération de la révolution numérique générée par la pandémie de Covid. Le digital a aussi trait aux questions de paiement et de souveraineté et la BCE entend bien être un acteur sur le plan de la monnaie numérique, a-t-elle dit, soulignant que l'institution monétaire avait lancé un programme pour le développement d’un euro digital.

Christine Lagarde a enfin insisté sur l’importance que la BCE accorde à la lutte contre le réchauffement climatique même s’il ne s’agit pas de son mandat premier.

Dans son mot d’accueil, Eric Labaye, président de l’École polytechnique et de l’Institut Polytechnique de Paris, avait évoqué l’engagement de la BCE dans la transition écologique et insisté sur les actions mises en œuvre par l’X, au travers de son Plan climat, dans ce domaine.

SERVIR L'INTÉRÊT GÉNÉRAL

Au cours d’un échange avec les élèves et étudiants, Christine Lagarde a plaidé pour l’engagement en faveur de l’intérêt général, insisté sur le rôle des femmes, en particulier dans les situations de crise, et souligné l’importance de l’esprit de consensus.

Brocardant un étudiant qui, malgré l’arrivée à son terme de la conférence, lui a soumis trois questions en une, Christine Lagarde, lui a d’abord répondu « Vous devriez faire de la politique ! » Ce à quoi il a répliqué « Non merci ! » L’occasion pour la présidente de la BCE de prononcer un vibrant plaidoyer en faveur de l’engagement politique, au sens d’engagement pour l’intérêt général.

« La politique c’est servir l’intérêt général. Je vous engage beaucoup dans le cadre de vos longs fils de vie, qui commencent sur le plan professionnel, à surtout ne pas l’exclure. Si des femmes et des hommes de votre qualité, de votre savoir, riches de l’éducation que vous recevez ne s’engagent pas pour le bien public, mais qui le fera ? », a dit Christine Lagarde.

Un propos qui faisait écho aux valeurs fortes d’engagement au service de l’intérêt général, d’intégrité, d’ouverture d’esprit, de discipline et d’esprit d’équipe de l’X qu’avait rappelées Eric Labaye.

Interrogée sur son expérience de femme d’action à la fois comme première présidente d’un prestigieux cabinet d’avocats américain puis surtout comme ministre des Finances d’un gouvernement français, comme directrice générale du Fonds Monétaire International et désormais comme présidente de la BCE, elle a évoqué la capacité des femmes à gérer des crises et leur capacité à créer du consensus.

ÉCHANGE AVEC DES CHERCHEURS

De la crise financière de 2008, à la gestion de la pandémie du Covid, en passant par les crises des dettes souveraines européennes, la présidente de la BCE a souligné qu’il y a des moments dans l’histoire économique ou politique où un faisceau de compétences généralement attribuées au sexe féminin est utile et efficace.

« Dans toutes les situations dans lesquelles je me suis trouvée, 2008 [crise financière, ndlr], 2011 [crise des dettes souveraines européennes], 2019 [pandémie de Covid], à chaque fois j’ai adopté la même approche », a-t-elle dit.

« S’assurer que l’organisation dans laquelle j’étais avait des finances solides, et ensuite rassembler. Rassembler, constituer des groupes, faire remonter les éléments qui peuvent constituer le consensus, ce sont des choses que j’ai vu pratiquer, par exemple par Angela Merkel [dirigeante de l'exécutif fédéral en Allemagne de 2005 à 2021 et physicienne de formation, ndlr]», a-t-elle observé.

« Cette capacité à faire un peu abstraction de soi, aussi - surtout - lorsqu’il s’agit de s’attribuer les mérites de telle ou telle solution sont des caractéristiques que j’ai plus souvent vues chez des femmes que chez des hommes », a-t-elle conclu.

Au terme de ses échanges avec les étudiants, Christine Lagarde a dialogué avec cinq enseignants-chercheurs de l’X et de l'ENSAE Paris, Gregory Corcos, professeur associé au Département d’Economie de l’École polytechnique et spécialiste des questions d’économie internationale ; Giovanni Ricco, professeur à l’X, chercheur au CREST* et spécialiste de la politique monétaire ;  Olivier Loisel, professeur à l’ENSAE Paris et chercheur au CREST, spécialiste en théorie macroéconomique et en économie monétaire, Nicolas Mottis, professeur au sein du Département Management de l’Innovation et Entrepreneuriat de l’X et Patricia Crifo, professeur à l’X, chercheur au CREST, spécialiste du développement et de la finance durable, de la Responsabilité sociale et environnementale des entreprises et de la Croissance verte.

La présidente de la BCE s’est aussi entretenue avec Eric Labaye et la directrice générale de l’X, Laura Chaubard.

*CREST : une unité mixte de recherche CNRS, ENSAE Paris, Ecole polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, GENES