Madeleine Kubasch, prix L'Oréal-Unesco Jeunes Talents 2024

Madeleine Kubasch reçoit le prix L’Oréal-Unesco Jeunes Talents pour les femmes et la science pour ses travaux de thèse réalisés au Centre de mathématiques appliquées (CMAP) et à l’unité Mathématiques et informatique appliquées du génome à l'environnement (MaIAGE) d’INRAE, sur les modèles mathématiques de propagation des épidémies.
Crédit photo : Richard Pak
08 oct. 2024
Recherche, Prix et Distinctions, Mathématiques, CMAP

Entre mathématiques et sciences du vivant, Madeleine Kubasch a trouvé son équilibre. Après sa double licence mathématiques et biologie juste après le bac, elle s’oriente naturellement vers les mathématiques, tout en gardant le lien entre les deux : « Ce côté interdisciplinaire me plaît ». Le thème de sa thèse, réalisés au Centre de mathématiques appliquées (CMAP) et à l’unité Mathématiques et informatique appliquées du génome à l'environnement (MaIAGE) d’INRAE, s’en ressent : l’étude de modèles mathématiques de propagation des épidémies. 

« Plus précisément, l'objectif de ma thèse, était de mieux comprendre comment la répartition des individus au sein de foyers et lieux de travail va influencer la propagation d’une épidémie »   explique-t-elle. En effet, selon cette répartition, cela peut signifier qu’on rencontre souvent les mêmes personnes, ce qui donne une évolution épidémique très différente que si le brassage est grand. La motivation était aussi de fournir un moyen de mieux concevoir les stratégies de télétravail, qui ont un effet direct sur cette répartition. Cette question a pris une importance nouvelle depuis le début de l’épidémie de Covid-19, mais peut s’appliquer à la grippe ou d’autres maladies qui se transmettent par voie aéroportée.

Les modèles mathématiques qui permettent de caractériser comment les individus peuvent se mélanger, et potentiellement se contaminer, ne sont pas nouveaux mais sont très complexes. Ils nécessitent beaucoup de ressources pour les faire tourner et leur analyse n’est pas évidente. Dans sa thèse, Madeleine Kubasch a d’une part montré quels aspects de la distribution en lieux de travail jouaient un rôle important et d’autre part développé un modèle « réduit », plus facile à faire tourner.

La mathématicienne a réussi à prouver que ce modèle réduit était capable de reproduire correctement la dynamique épidémique. La propagation d’une épidémie est un phénomène aléatoire mais, si la population concernée est grande, voire à la limite infinie, alors des caractéristiques déterministes émergent, de la même manière que, si on lance une pièce une infinité de fois, on obtiendra à coup sûr 50% de pile et 50% de face, bien que le résultat de chaque lancé individuel soit le fruit du hasard. Là réside le principe de la preuve : dans cette limite où la population est très grande, le modèle réduit donne les bonnes dynamiques, signe de son bon fonctionnement.

« Le processus de recherche est quelque chose de créatif, souligne la chercheuse. Il faut avoir une certaine intuition du comportement de l'objet mathématique qu'on étudie, quel qu'il soit, et trouver la bonne façon de concrétiser cette intuition. Quand on a trouvé la bonne façon de faire, c’est extrêmement satisfaisant. » En plus de la beauté des raisonnements, Madeleine Kubasch apprécie de pouvoir explorer plusieurs questions de biologie différentes avec les mêmes outils mathématiques. 

Mais si les liens entre mathématiques et sciences du vivant sont fructueux, ils sont parfois révélateurs des inégalités de genre qui persistent. « J’y ai été confrontée dans le sens où il y avait une très large majorité de fille dans la licence de biologie, alors qu’en master de maths, le rapport s’est complètement inversé. Cela n'a pas raison fondamentale d'être. »

Pour lutter à son échelle, la chercheuse s’implique dans des actions organisées par les associations Femmes et Sciences et Femmes et Mathématiques afin de faire découvrir à des lycéennes des professions liées aux mathématiques et à l’informatique, ou encore en faisant du « mentoring » pour les choix d’orientation post-bac.

Désormais postdoctorante, Madeleine Kubasch poursuit son chemin à l’interface entre mathématiques et sciences du vivant –en l’occurrence l’écologie– dans le but d’étudier comment la gestion spatiale du paysage agricole influe sur la biodiversité.

*CMAP : une unité mixte de recherche CNRS, Inria, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

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