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Mois femmes et science - Des étudiantes de l’X témoignent sur la science et la parité

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Juliette : Je suis en 3ème année dans le PA Affaires Publiques après des études secondaires à Louis-le-Grand, puis une prépa MP Info à Henri IV.
Fiona : J’ai effectué mon Bachelor à Yale University (Etats-Unis) en Ingénierie Environnementale, puis ai travaillé chez Ernst & Young en tant que Consultante climat et durabilité avant de rejoindre le MSc&T in Economics for Smart Cities and Climate Policy
Emma : Je suis en 2ème année de Bachelor, avec la double majeure Mathématiques et Physique, j’ai développé une passion pour les sciences au lycée Pasteur où j’ai suivi ma scolarité.
Pourquoi vous êtes-vous orientées vers des études scientifiques, pourquoi une grande École d’ingénieur et l’X en particulier ?
Juliette : J’ai toujours aimé les sciences, en particulier les mathématiques depuis mon arrivée à Louis-le-Grand. L’environnement était propice à poursuivre des études scientifiques, et j’ai voulu pousser mes limites en choisissant l’option Info en Classe Préparatoire MP – c’était ce que choisissaient les meilleurs de la classe. J’ai été encouragée à aller vers les sciences par mon père, ingénieur des Mines, et par plusieurs professeurs dont deux professeurs femmes qui ont été des modèles pour moi.
Fiona : Je me suis orientée vers les sciences à l’âge de 16 ans, après avoir participé à un projet bénévole à la Nouvelle-Orléans, encore marquée par les conséquences de l’ouragan Katrina. J’ai pris conscience que la science pouvait être un outil puissant pour lutter contre le changement climatique, dont les impacts sont profondément inéquitables. Pour moi, les enjeux environnementaux se situaient à l’intersection de ma passion pour la justice sociale, mon amour pour la nature, et mes compétences scientifiques.
Emma : J’ai eu la chance de grandir dans une famille où mon genre n’a jamais été un obstacle dans le choix de mes études. J’ai toujours été encouragée à explorer les aspects « techniques » du monde qui m’entoure, notamment par mon grand-père, lui-même ingénieur, qui m’a transmis sa passion pour cette voie. Il n’a cessé de souligner l’importance des ingénieurs dans un monde en constante évolution et reconstruction, m’incitant ainsi à m’engager dans cette direction.
Les Écoles d’ingénieur sont encore un milieu très masculin et les stéréotypes sont parfois tenaces. Avez-vous facilement trouvé votre place et si oui, comment ?
Juliette : J’ai su trouver ma place, notamment avec le sport, je suis en section rugby que les femmes peuvent rejoindre depuis seulement deux ans, ce qui renforce la cohésion entre nous, surtout lors des matchs.
J’ai parfois souffert de la grande proportion d’élèves masculins, ce qui m’a fait par exemple, changer de groupe d’étude en mathématiques fondamentales. J’y étais la seule fille, ce qui ne me mettait pas à l’aise. Mais je n’ai jamais subi de remarques sexistes.
Les mentalités évoluent au sein de la promotion à travers les vidéos des élèves, les articles dans l’IK et les comportements. Je suis aussi impliquée dans le binet X au Féminin où je m’occupe, entre autres, de l’organisation de conférences afin de créer des moments de discussion entre élèves. L’École nous accompagne dans nos projets.
Fiona : Durant mon parcours académique, la majorité de mes professeurs étaient des hommes. Bien qu’ils aient toujours soutenu mon travail, je n’ai pas trouvé de mentor véritable jusqu’à ma carrière professionnelle. Chez EY, j’ai eu la chance de travailler avec des femmes scientifiques passionnées par les enjeux environnementaux. La direction de notre équipe était majoritairement féminine, et pour la première fois, j’ai trouvé des modèles féminins scientifiques inspirants et accessibles.
Emma : À mon arrivée dans le programme Bachelor, j’ai été agréablement surprise par la parité au sein du programme, avec environ 40 % de femmes dans ma promotion. C’est un chiffre bien supérieur à celui que j’avais connu au lycée, où les classes scientifiques en comptaient beaucoup moins. Cependant les clichés persistent encore, comme l’idée que certaines jeunes femmes n’auraient leur place dans une grande école d’ingénieurs qu’en raison de leur genre. C’est une idée fausse et à laquelle il est essentiel de s’opposer fermement.
Pourquoi, selon vous, les jeunes femmes ont toute leur place dans les sciences ?
Juliette : Il n’y a pas de raison qu’elles ne l’aient pas. Et même si le taux de femmes dans le cycle ingénieur a chuté cette année, nous le regrettons vivement car cela implique moins de rôles modèles et une perte de confiance, l’objectif reste une répartition 50-50 ; d’autant plus que les métiers d’ingénieurs seront absolument nécessaires dans les années à venir au regard des crises énergétiques et environnementales qu’il faudra affronter.
Fiona : Il est encourageant de voir que les femmes gagnent en visibilité et en opportunités dans le domaine de la durabilité. Par exemple, en 2021, 54 % des Chief Sustainability Officers étaient des femmes, contre seulement 28 % en 2011 (source : BBC). C’est un domaine où les femmes commencent à occuper des rôles de leadership, ce qui est essentiel, car elles sont souvent les plus touchées par les impacts environnementaux.
Emma : La légitimité à évoluer dans le domaine des sciences ne dépend pas du sexe de la personne. Une jeune femme intéressée et motivée par l’idée d’étudier les sciences, puis d’y construire une carrière, a autant sa place qu’un homme. La mixité de genre dans ce domaine peut offrir de nouvelles perspectives sur les enjeux, enrichir les réflexions, favoriser des échanges respectueux des différences, autant d’atouts pour une résolution plus efficace de certains problèmes complexes.
Quelles améliorations suggéreriez-vous pour aider les femmes à prendre toute leur place dans les filières scientifiques d’excellence ?
Juliette : Les jeunes femmes ont, il me semble, tendance à être plus méticuleuses dans leur travail, par exemple à tout justifier dans une épreuve de mathématiques, au détriment de la rapidité. Pourquoi ne pas réfléchir à des sujets de concours permettant de mieux valoriser cette qualité (sujets plus cours avec des questions demandant plus de rédaction) ? Il y a une vraie réflexion à avoir sur la manière de construire et de corriger le concours de l’X si on veut qu’il y ait plus de femmes, et cela ne passe pas par une discrimination positive mais par un encouragement, une plus grande prise de confiance qui leur manque par rapport aux hommes.
Fiona : Dans de nombreuses disciplines scientifiques, le manque de modèles féminins peut décourager les jeunes femmes. Des initiatives comme le Mois Femmes et Sciences jouent un rôle crucial pour valoriser les parcours féminins et inspirer la prochaine génération.
Emma : De nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années, particulièrement à l’École polytechnique, grâce à la mise en lumière des femmes qui y travaillent et y étudient. Pour continuer à faire évoluer les mentalités, il faut poursuivre ces actions non seulement au sein de l’X, mais aussi en amont. Je suis convaincue qu’une meilleure parité globale au sein des classes scientifiques dès le secondaire contribuera à transformer durablement les mentalités.
Quels conseils donneriez-vous à celles qui hésitent à faire des sciences ?
Juliette : Une plus forte représentation de rôle modèles, en faisant venir d’anciennes élèves pour parler de leur parcours professionnel afin de permettre l’identification serait certainement utile. Et insister davantage sur le sens qu’il y a à s’engager dans les sciences, en montrant comment les maths, la physique et l’informatique sont liés aux grands enjeux sociétaux comme la santé, la production d’énergies décarbonées, l’optimisation de la gestion de la sphère publique…
Fiona : J’ai eu la chance d’être encouragée par ma famille, notamment par mes deux grandes sœurs. L’une d’elles, ingénieure civile, m’a particulièrement inspirée : malgré les défis auxquels elle faisait face dans un milieu encore très masculin, elle m’a appris à ne jamais me fixer de limites.
Emma : Aux jeunes femmes qui hésitent à se lancer dans des études scientifiques, je leur dis de croire en elles et en leurs capacités. Le fait que les femmes soient sous-représentées dans ce domaine ne signifie en aucun cas qu'elles ne sont pas compétentes ou performantes. Ce qui compte avant tout, c’est ce qui les passionne et les motive, et non leur genre. Ce dernier ne doit en aucun cas limiter leurs ambitions ni réduire leurs opportunités.