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Olga Chashchina, l’entrepreneuriat pour la santé et la société
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Vous êtes née et avez commencé vos études en Russie, était-ce un environnement propice pour vous pousser à faire des sciences ?
J'ai grandi à Novossibirsk, en Sibérie, qui est un très grand pôle universitaire. C'est la capitale de la branche sibérienne de l'Académie des sciences de Russie. Cet endroit respire les sciences. J'étais entourée de scientifiques, comme ma mère. Même si elle a dû abandonner sa carrière faute de financement pendant les années 90, elle m'a poussée dans cette direction. Faire des études scientifiques était donc un choix presque naturel. En l'occurrence, j'ai étudié la physique. J'étais fière de réussir dans cette discipline complexe, qui est en plus fascinante par la beauté des mécanismes derrière les phénomènes de l'Univers.
Pourquoi avoir ensuite décidé d’intégrer l’X ? Quels points positifs avez-vous retenus de ce parcours ?
En vérité, la motivation de tenter le concours en tant qu’étudiante étrangère pour venir en France était liée à une histoire d’amour, qui finalement s’est transformée en amour pour un pays ! J’avais également compris que la science aujourd’hui était internationale et qu’il était important d’avoir ce type d’expérience. A l’École polytechnique, la formation est de très haut niveau théorique, mais elle porte aussi beaucoup d’attention aux collaborations avec l’industrie et à la création de valeur à travers la recherche. J’y ai compris qu’on peut avoir un impact positif sur la société autrement qu’en faisant de la recherche fondamentale.
Comment avez-vous réussi à mêler ces aspects de recherche et d’entrepreneuriat ensuite ?
En travaillant dans un cabinet de conseil, j'ai pu me pencher sur des sujets très divers en termes de gestion d’entreprise. C’était très enrichissant, mais il y avait quelque part en moi l’envie de retourner vers la nouveauté scientifique et la stratégie technique. Pour cela, il fallait être reconnue comme une experte. Je me suis donc orientée vers un doctorat, dans le domaine biomédical, au Laboratoire d’hydrodynamique de l’École polytechnique (LadHyX*) sous la direction d’Abdul Barakat, le fondateur du centre interdisciplinaire Engineering for Health (E4H) de l’Institut Polytechnique de Paris.
Votre thèse vous a-t-elle incitée à lancer votre propre entreprise ?
Quand j'ai commencé ma thèse, je n'avais pas encore la certitude de me lancer dans l'entrepreneuriat. J'avais déjà refusé une opportunité de devenir porteuse de projet parce que je n'avais pas confiance dans mes capacités à ce stade. La thèse m'a fait changer d'avis. J'ai eu l'impression de réussir ma quête d'apporter une contribution à un grand édifice de la recherche ; il faut être très résilient, car les expériences ne marchent pas toujours et les difficultés prennent du temps à être surmontées. Avoir eu d'autres expériences professionnelles m'a aidée, et je pense qu'il devrait y avoir plus de possibilités pour les doctorants de pouvoir travailler dans l'industrie avant ou pendant leur thèse.
Le fait d’être une femme a-t-il été un obstacle dans votre parcours ?
Après ma thèse, alors que je cherchais un nouveau projet en interagissant avec différents interlocuteurs, l'un d'eux a eu des comportements inappropriés, au point que j'aurais pu porter plainte pour harcèlement. Évidemment, le projet s'est arrêté. Malheureusement, ce genre de comportement est encore présent aujourd'hui. Parfois, ce n'est pas le fruit d'une mauvaise intention, mais cela transparaît de façon voilée dans les façons de parler ou des gestes presque invisibles. Je pense que le fait d'en parler, d'en donner des exemples et de montrer comment cela impacte les femmes, et les hommes d'ailleurs, est extrêmement important. Heureusement, par la suite, j'ai rencontré mon associé actuel, Alexandre Boulanger (X2008), avec qui nous avons fondé Metyos en 2021.
Comment allez-vous aujourd’hui de l’avant avec Metyos ?
Le but de Metyos est de concevoir des capteurs pouvant être placés sur la peau pour mesurer en temps réel et sur le long terme différents biomarqueurs impliqués dans certaines pathologies chroniques. Aujourd'hui, le suivi des patients et la prise de décisions médicales reposent fréquemment sur des prises de sang, ce qui est assez contraignant et ne permet pas de mesurer les dynamiques des paramètres biochimiques de notre corps. Nous avons beaucoup discuté avec les médecins afin de savoir ce qui serait le plus utile. À l'heure actuelle, nous travaillons sur la dyskaliémie, c'est-à-dire l'irrégularité du taux de potassium dans l'organisme, qui a des conséquences très graves sur la santé cardiaque. Nous avons déposé quatre brevets sur notre dispositif et le prochain défi est de réussir les études cliniques.
Entre le 11 février (Journée internationale des femmes et des filles de science) et le 8 mars (Journée internationale des droits des femmes), le mois femmes et science de l’X célèbre le parcours et les contributions remarquables des enseignantes-chercheuses, élèves, anciennes élèves et entrepreneures en leur donnant la parole tout en sensibilisant à l’importance d’une plus grande équité dans les domaines de la recherche, de la science et de l’innovation.
*LadHyX : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France