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Pascal Chabert distingué par la médaille d’argent du CNRS
Pascal Chabert est spécialiste des plasmas, cet état de la matière dans lequel des électrons sont arrachés des atomes auxquels ils sont d’habitude associés dans les gaz neutres. On parle alors de milieu ionisé. C’est plus particulièrement les plasmas « froids », créée à partir d’une décharge électrique dans un gaz, qui intéressent le directeur de recherche CNRS. « Leur température est suffisamment basse pour ne pas fondre les matériaux avec lesquels ils sont en contact. Pourtant, ces plasmas froids sont assez réactifs pour modifier des polymères, des métaux, et surtout des semiconducteurs…comme si leur température était très élevée. Ils ont donc beaucoup d’applications industrielles » explique Pascal Chabert.
Des plasmas pour la microélectronique
Autant que le sujet, les rencontres l’ont poussé sur cette voie. Celle de Jean-Paul Booth qui l’a convaincu de faire de la recherche, celle de Jérôme Perrin ensuite, chercheur qu’il trouve enthousiasmant et qu’il convainc de le prendre en thèse, effectuée en partenariat avec Thomson-CSF (aujourd’hui Thalès). Celle de Michaël Lieberman enfin, scientifique de référence dans le domaine des plasmas froids qu’il rencontre lors d’une conférence à Hawaï et dont il visite le laboratoire à Berkeley, en Californie. C’est là qu’il part en post-doctorat pour poursuivre des travaux plus fondamentaux, mais dans la lignée de sa thèse, avec des applications sur les procédés de gravure plasma. La gravure pour la microélectronique constitue l’application reine des plasmas froids : elle permet l’usinage à l’échelle nanométrique des semiconducteurs afin de fabriquer, entre autres, les transistors des ordinateurs.
« Le fait de travailler sur des dispositifs développés dans l’industrie est un des marqueurs de ma carrière, précise Pascal Chabert. Paradoxalement, c’est aussi dans ces domaines que de la recherche très fondamentale peut également se faire. » En effet, une petite augmentation des performances industrielles, rentables vus les investissements dans le domaine, repose souvent sur d’importants résultats fondamentaux. Ainsi, ses travaux sur les effets électromagnétiques dans les plasmas dit « radiofréquence » ont permis d’améliorer l’uniformité des procédés de gravure sur de grandes surfaces. Pascal Chabert est recruté au CNRS en 2000 lors de la fondation du Laboratoire de physique et technologie des plasmas, qui deviendra le Laboratoire de physique des plasmas (LPP*), dont il sera directeur de 2015 à 2019.
Ces recherches de début de carrière l’ont conduit a synthétisé les connaissances du domaine avec son collègue britannique Nicholas Braithwaite dans le livre « Physics of Radiofrequency Plasmas » destiné aux étudiants, aux chercheurs et aux ingénieurs travaillant dans le vaste domaine des procédés plasmas pour la microélectronique. « Mais, au-delà des applications, la recherche fondamentale s’intéresse avant tout à des mécanismes, continue le chercheur du LPP. Et il est frappant de constater qu’une idée qu’on a eu peut s’appliquer dans un tout autre champ ».
De nouveaux concepts de propulsion
En l’occurrence, ce champ est celui de la propulsion spatiale, que Pascal Chabert a découvert en 2005, lorsque l’Agence spatiale européenne (ESA) lui a demandé son avis sur un projet de moteur à propulsion plasma. Comme les moteurs de fusées à propulsion chimique, les moteurs plasmas fonctionne sur le principe de la troisième loi de Newton : une force crée par l’expulsion de particule dans une direction génère en retour une poussée dans la direction opposée. Mais plutôt que de brûler des carburants, il s’agit ici d’accélérer les particules d’un plasma. Ces moteurs plasmas sont très employés pour les corrections de l’orbite de satellites, ou lors des trajets des sondes interplanétaires. Il découvre un monde fascinant et réalise que des concepts de la microélectronique peuvent s’y appliquer, par exemple en accélérant conjointement les ions positifs et négatifs afin de s’affranchir le plus possible de certains effets délétères liés aux électrons. Le chercheur propose ainsi un concept de propulseur baptisé PEGASES (Plasma propulsion with Electronegative GASES).
« Il se trouve au final que ce concept ne fonctionne pas aussi bien qu’on pouvait l’imaginer. Mais le fait que tout ne marche pas comme prévu est très important en recherche. Un bon scientifique doit essayer et se tromper souvent pour avancer. » Ce projet n’a d’ailleurs pas été vain puisqu’il a permis, entre autres, d’identifier l’iode comme gaz idéal à partir duquel créer le plasma pour la propulsion (au lieu du xénon généralement utilisé). Ane Aanesland, venue faire un post-doctorat avec Pascal Chabert, a d’ailleurs fondée en 2017 la start-up ThrustMe qui commercialise des systèmes de propulsions à iode pour motoriser les petits satellites.
Pascal Chabert continue de travailler sur de nouveaux concepts de propulsion, mais aussi dans le cadre d’une chaire ANR industrielle portée par Anne Bourdon avec Safran sur des outils de simulation et de conception des propulseurs plasmas « à effet Hall » que l’industriel développe. Si le domaine du spatial le passionne autant, c’est aussi parce qu’il observe la motivation et l’effet d’attraction que ce sujet exerce chez les étudiants. « Ce sont eux qui sont venus à ma rencontre pour que je m’investisse dans le Centre spatial étudiant de l’Ecole polytechnique » assure-t-il. Leur dernier projet phare : le lancement prévu en 2024 du nanosatellite IonSat équipé d’un moteur de la start-up ThrustMe.
*LPP : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, Observatoire de Paris, Sorbonne Université, Université Paris-Saclay