Pilar Acosta, un engagement pour la soutenabilité

A l'occasion du Mois femmes et science, retrouver le portrait de Pilar Acosta, professeure au Département management de l'innovation et l'entrepreneuriat à l’École polytechnique et chercheuse au laboratoire I³-CRG. Ses recherches portent sur la responsabilité sociale des entreprises et leurs pratiques dans le cadre du développement durable.
19 fév. 2025
Recherche, I3-CRG

Qu’est-ce qui vous a motivé à faire des études scientifiques ? 

Je suis d'origine colombienne, et ma scolarité s’est déroulée dans un lycée français. J’ai toujours été intéressé par les processus de production, j’ai donc fait des études d’ingénieur dans ce domaine à l’université à Cali. Durant ce parcours, j’ai rencontré les sciences de l'organisation : comment les entreprises s’organisent pour fabriquer un produit ou offrir un service. Ensuite, pendant trois ans, j’ai travaillé en France en tant que consultante sur ces questions. Je me suis finalement lancée dans une thèse en sciences de gestion. Je suis ensuite repartie en Colombie pour le travail, mais aussi pour des raisons familiales. Puis, en 2021, j’ai été recruté au département management de l'innovation et l'entrepreneuriat à l’École polytechnique.

Votre doctorat portait notamment sur la question de la responsabilité des entreprises dans le cadre du développement durable.

Effectivement. J'ai étudié une filiale d'une multinationale dans le secteur de l’agro-alimentaire avec une maison mère située en Europe et une filiale en Colombie. Les fournisseurs de cette filiale se devaient d'intégrer des nouveaux outils liés au développement durable, mais ils n’avaient pas les mêmes notions de responsabilité, ni de développement durable. J’ai suivi un fournisseur pendant trois ans, avec des entretiens, des observations de réunions et des observations participantes, c'est à dire des réunions où on contribue au projet. Mon travail consistait à appréhender la complexité de ces organisations où il y a différents acteurs, des enjeux de pouvoirs, des coalitions, etc. Le but était de comprendre comment l’idée de responsabilité est transformée au sein de ces fournisseurs.

Vous avez ensuite intégré le Centre de recherche en gestion de l’Institut interdisciplinaire de l'innovation (I³-CRG*) au sein de l’École polytechnique. Comment avez-vous participé au développement des projets d’enseignement sur la soutenabilité et le développement durable ?

J’ai participé avec 7 autres professeurs de différents départements, sous la coordination de Céline Guivarch, à la création du cours développement durable « Engineering Sustainability » du cycle ingénieur polytechnicien. J’y ai introduit la question du management. En effet, d’une part entreprises contribuent aux émissions de gaz à effet de serre, mais elles peuvent jouer également un rôle positif dans l’atténuation de ces émissions. Il y a une tension entre croissance et environnement qui place les managers dans une situation paradoxale à laquelle il faut les préparer. En parallèle de l’enseignement, ce point constitue un de mes axes de recherche.

Est-ce que vous constatez que les inégalités femmes - hommes sont encore un frein pour les premières dans la recherche ? Etudiez-vous aussi leurs impacts dans le cadre de vos recherches sur le développement durable ?

Dans les études d’ingénieur, en France ou en Colombie, les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Dans les sciences de gestion, cela est moins le cas, mais selon les sous-domaines, on constate une répartition genrée : plus le domaine est perçu comme « quantitatif », plus il est masculin. Nous restons quand même dans un monde patriarcal. Il y a certes des bourses et des programmes qui incitent les femmes à faire de la recherche, mais on se heurte ensuite à la conciliation entre travail et famille. Je pense par exemple au nombre de publications, que le système académique favorise. Quand on est enceinte, on a du temps consacré à la grossesse sur lequel on ne publie pas. Or ce n’est pas forcément reconnu pour les pour les promotions, pour les perspectives de carrière.

Pour ce qui est de mes recherches, je m’intéresse à ces questions de diversité, mais plutôt sur les inégalités Nord-Sud plutôt que les inégalités de genre. En effet, la recherche, et les théories dans mon domaine, ont fortement été initié par des chercheurs occidentaux. Or, il y a d’autres théories, d’autres visions du monde qui sont moins mises en avant. Elles apportent pourtant des perspectives complémentaires, notamment sur les questions environnementales, la relation à la nature, à la technologie ou encore sur la notion de justice environnementale.

 

Entre le 11 février (Journée internationale des femmes et des filles de science) et le 8 mars (Journée internationale des droits des femmes), le mois femmes et science de l’X célèbre le parcours et les contributions remarquables des enseignantes-chercheuses, élèves, anciennes élèves et entrepreneures en leur donnant la parole tout en sensibilisant à l’importance d’une plus grande équité dans les domaines de la recherche, de la science et de l’innovation.

*I³-CRG : une unité mixte de recherche CNRS, Mines Paris - PSL, Télécom Paris, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

 

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