Recycler le CO2 grâce à la méthanation par plasma

Edmond Baratte, jeune docteur du Laboratoire de physique des plasmas, mène un projet utilisant des technologies plasma afin de produire du méthane à partir de dioxyde de carbone de façon la plus décarbonée possible. Le but est de concevoir un prototype montrant l’efficacité du procédé, avec l’aide d’un financement de la SATT Paris-Saclay.
21 Mar. 2023
Innovation, Recherche, Plasmas, LPP

La transition énergétique est un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Le recyclage d’une partie du dioxyde de carbone (CO2) émis par les activités humaines constitue une des solutions avec le développement des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la sobriété, ou encore le stockage du CO2. Cet enjeu écologique a fourni une motivation à Edmond Baratte pour s’engager dans une thèse au Laboratoire de physique des plasmas (LPP*) : « J’avais envie d’en apprendre plus sur le CO2 et les moyens de le recycler, non seulement sur les aspects scientifiques fondamentaux, mais qui puisse conduire ensuite à un produit ayant une valeur ajoutée ».

Dans la suite de ses travaux de thèse, la Société d’accélération de transfert technologique (SATT) de Paris-Saclay vient de lui accorder un financement de 115 000 euros sur 14 mois afin d’améliorer un prototype permettant la conversion d’un mélange de CO2 et de dihydrogène (H2) en méthane (CH4). Cette dernière molécule est celle du gaz naturel, très utilisé pour le chauffage par exemple. Ce processus de méthanation – qui diffère de la méthanisation, qui forme également du méthane à partir de la décomposition de déchets - diminue le recours aux ressources fossiles si le H2 est également produit avec une faible empreinte carbone, par électrolyse de l’eau par exemple.

Un dépôt d'énergie ciblé

A l’heure actuelle, la méthanation est peu utilisée à l’échelle industrielle. Quelques démonstrations ont été réalisées. « La méthode principale consiste à chauffer et comprimer un mélange CO2 et H2, mais cela nécessite d’apporter beaucoup d’énergie, souligne Edmond Baratte. L’idée de l’approche par plasma consiste à faire un dépôt d’énergie ciblé sur les molécules pour déclencher la réaction, sans gaspiller trop d’énergie en chaleur. »

Les plasmas représentent un état de la matière dans lequel des électrons sont arrachés des atomes auxquels ils sont d’habitude associés. Lorsque la température du gaz reste basse, comme c’est le cas ici, on parle de plasmas « froids ». Il s’agit d’un des domaines où le LPP fait figure d’expert, notamment Olivier Guaitella, directeur de thèse d’Edmond Baratte, qui étudie les plasmas de CO2 depuis plusieurs années. Le plasma est créé en appliquant un champ électrique qui accélère les électrons. Ceux-ci se cognent de nombreuses fois aux molécules de CO2, lesquelles emmagasinent cette énergie, notamment sous forme de vibration. Ce surplus rend le CO2 plus réactif et donc plus facile à dissocier.

Au cours de sa thèse, Edmond Baratte s’est penché sur les mécanismes fondamentaux du recyclage conjoint du CO2 et du CH4 par plasma. « Ces plasmas sont intéressants mais aussi difficiles à analyser car plusieurs chemins de réactions chimiques peuvent se produire, parfois en parallèle. Après les premières expériences, nous espérions pouvoir comprendre directement ce qu’il se passait dans le plasma, mais cela s’est révélé plus compliqué ! » explique le jeune chercheur. En collaboration avec l’IST Lisbonne, il a développé et validé un modèle numérique qui permet de prédire les chemins de réaction, c’est-à-dire comment les molécules se dissocient et se réassemblent.

Tester l'efficacité à l'échelle industrielle

Dans le projet « Cycles » financé par la SATT, il ne s’agit plus de partir d’un mélange de CO2 et de CH4, mais d’un mélange de CO2 et H2. Cependant, la chimie reste proche et ses travaux de thèse serviront à la compréhension de ce nouveau cas. « Avec l’envolé des prix du gaz naturel depuis la guerre en Ukraine, il n’est selon moi plus pertinent économiquement d’utiliser le méthane comme intrant » confie Edmond Baratte. L’objectif sera de démontrer l’efficacité de la méthanation par plasma à décharge radiofréquence, avec des volumes de CO2 traité de l’ordre du m3 par jour, compatibles avec l’échelle industrielle. Le but consiste également à tester des conditions semblables à celles de la sortie d’une cheminée d’usine, où le mélange de gaz n’est jamais pur, mais contient aussi du diazote par exemple.

Grâce à un projet de pré-maturation de l’Institut polytechnique de Paris mené en parallèle de sa thèse, Edmond Baratte a déjà pu poser les premières bases avec un prototype de réacteur plasma. Parmi les défis qu’il faudra encore surmonter, il s’agira de trouver les meilleurs catalyseurs métalliques possibles afin de diminuer l’énergie à fournir pour déclencher la méthanation. Les travaux réalisés par une autre doctorante du LPP, Carolina Garcia Soto, sur les interactions entre plasmas et surfaces, seront alors très utiles. « Je vais également tester l’utilisation d’une source innovante pour créer des plasmas avec de nouvelles propriétés. Il y a donc un intérêt purement scientifique au projet au-delà de l’application industrielle » ajoute le physicien qui pourra donc travailler sur ce sujet au moins un an de plus au LPP dont il apprécie l’atmosphère. Si le succès est au rendez-vous, il envisage de fonder une start-up ou d’effectuer un transfert technologique vers un éventuel partenaire industriel.

 

 

*LPP : une unité mixte de recherche CNRS, Observatoire de Paris-PSL, Sorbonne Université, Université Paris-Saclay, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

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