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Sonder les biominéraux: deux (ou trois) photons valent mieux qu’un
Brusquement, une douleur intense nait dans votre dos, sous les côtes, irradiant vers le bas du ventre. C’est probablement un calcul rénal (lithiase urinaire) qui une fois expulsé, nécessitera une analyse physico-chimique. Objectif : déterminer la pathologie associée, prescrire le bon traitement et éviter les récidives. « Classiquement, les lithiases urinaires sont étudiées selon leur morphologie, ou en spectroscopie infrarouge pour déterminer leur composition. Cela peut cependant être insuffisant pour les classer efficacement », explique Marie-Claire Schanne-Klein, directrice de recherche au LOB.
La microscopie multi-photonique à balayage laser ouvre toutefois une nouvelle voie. Un laser pulsé de forte intensité sonde les calculs rénaux en profondeur dans un espace bien délimité (à l’échelle micrométrique) et offre, entre autres, de précieuses informations sur l’arrangement de leurs molécules (structure cristalline). Grâce à un processus d’excitation par plusieurs photons atteignant simultanément leur cible, les scientifiques observent soit une fluorescence caractéristique de la présence de protéines en un point précis de l’échantillon, soit des signaux spécifiques de l’optique non linéaire : génération de second harmonique (SHG) sous l’action de deux photons, ou génération de troisième harmonique (THG) avec trois photons**.
En combinant la polarimétrie dont elle est spécialiste à la SHG et la THG, l’équipe du LOB accède à davantage d’informations sur la structure interne des lithiases urinaires. Les résultats ainsi obtenus en second harmonique isolent certains calculs rénaux cristallins, c’est-à-dire ceux dont les molécules sont parfaitement organisées, sans centre de symétrie. Les signaux de troisième harmonique témoignent quant à eux généralement d’échantillons présentant des interfaces entre deux milieux aux propriétés optiques différentes. « Nous étudions des fragments de calculs rénaux, il y a donc toujours un signal en THG dû notamment à la limite air/lithiase. Mais la polarimétrie permet de passer cette barrière. Un signal THG lié à une biréfringence peut alors être détecté à l’intérieur même de l’échantillon, typique d’une structure cristalline anisotrope (ndlr : dont les propriétés physiques varient selon la direction dans laquelle l’objet est considéré. Ici, la vitesse de la lumière varie selon sa direction de propagation) et donc de certaines classes de calcul rénaux ».
Cette méthode innovante s’étend à l’analyse de biominéraux variés (calculs rénaux, calcifications, otolites…). Des néphrologues s’intéressent d’ores et déjà aux résultats de ces travaux qui, à terme, pourraient aboutir à des protocoles et des instruments transposables en milieu hospitalier, au plus près des patients et des médecins.
* LOB : une unité mixte de recherche CNRS, Inserm, École polytechnique-Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France
** SHG : une excitation par deux photons de même énergie génère un photon deux fois plus énergétique.
THG : une excitation par trois photons de même énergie génère un photon trois fois plus énergétique.
Références :
Matthew Gleeson, Joséphine Morizet, Pierre Mahou, Michel Daudon, Dominique Bazin, Chiara Stringari, Marie-Claire Schanne-Klein, Emmanuel Beaurepaire, Kidney stone classification using multimodal multiphoton microscopy, ACS Photonics (2023)