Sylvie Méléard reçoit le prix Irène Joliot-Curie

L’interface entre mathématiques et biologie est un champ de recherche en plein essor, auquel Sylvie Méléard a beaucoup contribué. Cette spécialiste de probabilités travaillait d’abord sur des modèles mathématiques dont les applications s’orientaient vers les réseaux de communication ou la physique. « J’ai alors participé à un groupe de travail à l’École Normale Supérieure de Paris organisé par un biologiste au début des années 2000, qui cherchait des collaborations avec des mathématiciens. Je me suis prise au jeu » explique la chercheuse, Professeure de Mathématiques à l’École polytechnique depuis 2006, récompensée aujourd’hui par le prix Irène Joliot-Curie - Femme scientifique de l’année.

Son expertise en probabilités apporte un point de vue nouveau et original aux biologistes pour étudier les dynamiques de populations, qu’il s’agisse d’émergence d’espèces, de croissance de populations bactériennes ou encore de développement de cellules. Grâce à un formalisme qui intègre les comportements aléatoires (naissance, mutation, compétition, etc.) elle conçoit avec ses collègues des modèles permettant de donner un résumé mathématique de ces mécanismes.

Au Centre de mathématiques appliquées (CMAP*), Sylvie Méléard dirige l’équipe PEIPS (Population, Evolution and interacting Particle Systems). Elle est également membre de l’équipe projet Inria MERGE. « Actuellement, je travaille avec des biologistes spécialistes de croissance bactérienne et de résistance aux antibiotiques ainsi qu’avec des médecins oncologues sur les mécanismes d’apparition de mutation dans le cadre des leucémies. » Grâce à une bourse ERC advanced, elle mène également le projet SINGER (Stochastic dynamics of sINgle cells: Growth, Emergence and Resistance). « Depuis quelques années, les biologistes disposent d’outils pour observer les cellules uniques, permettant de voir les croissances bactériennes et les divisions cellulaires une à une. Nos modèles sont très adaptés à ces observations » précise la chercheuse. 

Pour Sylvie Méléard, les échanges et les rencontres constituent une partie essentielle de la recherche. Cette conviction est d’ailleurs le moteur de la chaire Modélisation Mathématique et Biodiversité qu’elle porte à l’École polytechnique depuis 2009. Tout un réseau de biologistes et de mathématiciens continue ainsi d’être tissé, avec pour objectif de se rencontrer de manière régulière et de financer des projets où les interactions entre les eux disciplines sont réciproques.

Le prix Irène Joliot-Curie entend aussi mettre en avant la place des femmes en sciences, un enjeu dont Sylvie Méléard a évidemment conscience. « J’essaie d’être à l’écoute des jeunes femmes scientifiques, de les soutenir aussi au retour d’une maternité par exemple » explique la chercheuse qui a encadré de nombreuses étudiantes en thèse. Dans le cadre de son projet ERC, elle favorise l’accueil au laboratoire de jeunes femmes maîtres de conférences pour qu'elles viennent un an faire de la recherche à temps plein.

*CMAP : une unité mixte de recherche CNRS, Inria, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France