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Une nouvelle approche pour évaluer l’avancée des techniques de simulation en physique quantique

Dans un article publié dans la revue Science, une collaboration internationale, à laquelle participent des chercheurs du Centre de physique théorique, propose un outil pour estimer la difficulté de nombreux problèmes en physique quantique qui restent à résoudre ainsi que l’efficacité des méthodes développées pour s’y attaquer, y compris les algorithmes quantiques.
Le V-score mesure la difficulté des problèmes. Source : Dian Wu et al., Science, 386, 6719, 2024
20 oct. 2024
Recherche, Quantique, CPHT, Physique

Connaître les propriétés des matériaux est un enjeu essentiel, tant au niveau fondamental qu’au niveau appliqué. Ces propriétés viennent du comportement des constituants élémentaires des matériaux notamment les atomes et électrons. Les règles qui régissent individuellement le comportement des particules sont connues depuis près d’un siècle grâce à la physique quantique, qui a permis des progrès phénoménaux dans ce domaine. Pourtant, de nombreux problèmes restent difficiles à résoudre, en particulier quand il faut prendre en compte l’interaction d’un grand nombre de particules entre elles. C’est ce que les scientifiques appellent le « problème à N corps quantique », au cœur de l’article qui vient de paraître dans Science. 

« Pour chaque particule qui s’ajoute au problème, toutes les interactions mutuelles avec toutes les autres particules doivent être prises en compte dans le calcul. La complexité de celui-ci s’accroit donc exponentiellement » explique Filippo Vicentini, chercheur au Centre de physique théorique (CPHT*). Il existe une multitude de ces problèmes selon les molécules et matériaux, parmi lesquels on peut citer la compréhension de la supraconductivité, où des matériaux deviennent parfaitement conducteur à basse température. Pour aboutir dans ces calculs, soit de manière exacte, mais le plus souvent de façon approchée, les chercheuses et chercheurs ont développé de nombreuses méthodes depuis plusieurs décennies, comme les réseaux de tenseurs, les simulations Monte-Carlo quantiques, ou encore la théorie dynamique de champ moyen. Et de nouvelles méthodes continuent d’être développées.

L’article de Science présente un critère quantitatif permettant de mesurer la précision des méthodes et la difficulté des problèmes. Les scientifiques de la collaboration se sont penchés sur des systèmes modèles, qui capturent les principaux ingrédients des phénomènes complexes, comme le modèle de Hubbard, utilisé par exemple dans l’étude de la supraconductivité. Le but est de trouver l’état d’énergie minimale de ces systèmes. Le critère créé par la collaboration, appelé V-score, est une combinaison de la valeur de cette énergie et des fluctuations autour de cette valeur. « Plus on s’approche de la solution exacte, plus les fluctuations de la valeur de l’énergie sont faibles. Le V-score est corrélé avec l’erreur de précision des méthodes utilisées » précise Filippo Vicentini. 

La collaboration a compilé une grande quantité de résultats et de méthodes pour tester et valider ce critère, puis pour identifier les problèmes les plus complexes. Schématiquement, plus les modèles possèdent de dimensions spatiales, plus le problème est difficile à l’heure actuelle. Il existe aussi des configurations de matériaux dites « frustrées », sous l’influence d’interaction magnétique entre atomes notamment, qui sont particulièrement ardues. « Ce travail collaboratif, avec une base de données partagée, permet à chacun dans la communauté d’avoir une vision plus claire de l’état d’avancement, sans nécessairement être spécialiste de chacun des sous-domaines en jeu » espère Filippo Vicentini. Ce serait aussi un moyen de guider les recherches de nouvelles techniques vers des problèmes difficiles à résoudre, où elles pourraient avoir une réelle plus-value. C’est le cas notamment des algorithmes quantiques, qui commencent à voir le jour, mais qui ne sont pas encore aussi efficace que les méthodes actuelles pour dévoiler les propriétés des matériaux.

*CPHT : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

Lien vers la publication scientifique: Variational benchmarks for quantum many-body problems, Science, 386, 6719, 2024. DOI: 10.1126/science.adg9774

Lire le communiqué de l’EPFL, membre de la collaboration.

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