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Yves Le Yaouanq reçoit une bourse ERC pour étudier les biais cognitifs
A quel point sommes-nous bien informés lorsque nous prenons une décision ? Que ce soit pour acheter une machine à laver ou un vélo, pour décider d’investir, pour choisir une formation, ou pour comparer les candidats à une élection, il y a de nombreuses situations où nous devons, consciemment ou non, aller recueillir de l’information dont nous ne disposons pas encore afin d’éclairer nos actions. Mais il se pourrait que cette étape soit imparfaite. Le montrer et le quantifier est l’objectif du projet PROSPECT, conduit par Yves Le Yaouanq au CREST grâce à une bourse Consolidator du Conseil européen de la recherche (ERC).
Pour y répondre, le chercheur mobilise le champ de l’économie comportementale, qui s'intéresse à la psychologie des individus et essaie de construire des modèles de décision qui soient plus réalistes que les modèles de base, qui font des hypothèses très fortes en matière de rationalité. « On essaie donc de prendre en compte les biais cognitifs, qui ont tendance à affecter les décisions des individus, explique Yves Le Yaouanq. De nombreux travaux ont analysé les biais agissant sur la façon dont on traite une information qui nous a déjà été donnée. Le biais de confirmation, par exemple, nous pousse à accorder beaucoup d’importance à une information allant dans le sens de ce que nous pensons déjà, ou à la mettre de côté dans le cas contraire. »
PROSPECT s’intéresse à une catégorie de biais nouvelle, encore inexplorée, qui joue sur la façon dont les individus se projettent dans une information qu'ils ne connaissent pas encore. « C'est quelque chose qu'on fait tout le temps, de manière implicite. Par exemple, lorsque vous ouvrez un livre pour essayer de vous documenter sur un sujet, vous ne savez pas ce qu’il contient, mais vous espérez qu’il vous livrera beaucoup d'informations intéressantes. Ce faisant, vous estimez la valeur des informations que vous n’avez pas encore pour savoir laquelle vaut le coup d'être recherchée et laquelle peut être laissée de côté », précise l’économiste. Ce choix a priori peut-être source de biais.
Économie comportementale et expérimentale
Une des hypothèses d’Yves Le Yaouanq est que nous ne prendrions pas la peine de chercher suffisamment à nous renseigner, car nous sous-estimons l’importance des informations que nous n’avons pas encore. Cela impliquerait, par exemple, de ne pas recueillir suffisamment d’informations avant de prendre des décisions importantes (choix d’assurance, choix d’études ou de travail…). « Il est possible que nous sous-estimions aussi ce que nous apprenons en faisant un pas de côté et en se lançant dans un effort d’expérimentation pour rechercher une source d’information différente de d’habitude, un sujet important pour les sociétés et les organisations qui ont besoin d’efforts d’innovation », ajoute le chercheur.
Pour tester cette hypothèse, le projet mettra en œuvre des expériences avec des cohortes de personnes, d’abord « en laboratoire », où les chercheurs pourront contrôler facilement les informations en jeu. Dans un second temps, si ces biais sont effectivement détectés et mesurés, les scientifiques pourraient imaginer des expériences sur des applications réelles, lors d’achat sur des sites de commerce en ligne par exemple. Pour Yves Le Yaouanq, « la motivation première est d’informer les gens sur les biais cognitifs, pour que chacun puisse essayer de les repérer chez soi-même et de de prendre de meilleures décisions. Mais c’est aussi d’informer les politiques publiques en la matière. »
*CREST: une unité mixte de recherche CNRS, École Polytechnique, GENES, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France