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Une nouvelle approche expérimentale pour étudier les défauts dans les semi-conducteurs

Au laboratoire de Physique de la matière condensée (PMC), une équipe vient de déterminer la structure électronique dépendant du spin liée à la présence d’imperfections dans l’arrangement d’atomes d’un semi-conducteur. C’est la première fois que cette structure est mesurée. Les résultats sont parus dans le journal Physical Review Letters.
19 juin. 2024
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Comme tous les matériaux dits « cristallins », les semi-conducteurs sont constitués d’atomes arrangés de manière parfaitement régulière dans l’espace. Mais, en pratique, les matériaux ne sont jamais parfaits. Même quand ils sont produits à l’échelle industrielle selon des processus bien huilés, les semi-conducteurs présentent des défauts. Ceux-ci modifient la structure électronique locale du matériau, ce qui peut entraîner des conséquences négatives, mais parfois être bénéfique pour des applications, d’où l’importance de comprendre la physique fondamentale qui se cache derrière. C’est ce que vient de faire une équipe du PMC, grâce aux travaux menés par Agatha Ulibarri durant sa thèse et publiés dans la revue Physical Review Letters.

Le semi-conducteur en question ici est un alliage de gallium, d’arsenic et d’azote (GaAsN). Il arrive qu’un atome de gallium ne respecte pas l’arrangement régulier habituel et se loge au contraire dans un interstice. Ce défaut « interstitiel » modifie les niveaux d’énergies que les électrons du matériau peuvent occuper. Dans un semi-conducteur, les électrons peuvent circuler dans des bandes d’énergies : la bande de valence et, à plus haute énergie, la bande de conduction. Par exemple, un électron qui gagne suffisamment d’énergie peut passer de la bande de valence à la bande de conduction, et pourra par la suite, « retomber » dans la bande de valence en perdant de l’énergie sous forme de lumière. Entre les deux bandes, il existe une bande d’énergie interdite, appelée « gap », dans laquelle, en théorie, il n’y a pas de niveaux d’énergie disponibles pour les électrons. La présence de défauts entraîne justement l’apparition de niveaux électroniques dans le gap. Plutôt que de retomber directement dans la bande de valence, un électron de la bande de conduction a donc également la possibilité de se recombiner en deux étapes, en passant par ces niveaux. Ce processus en deux temps n’émet pas de lumière.

« Déterminer les énergies de ces niveaux est primordial, souligne Alistair Rowe, physicien au PMC. Par exemple, si ces niveaux sont « profonds » dans la bande interdite, cela peut-être souvent néfaste aux dispositifs conçus avec ces semi-conducteurs ». Dans leur publication scientifique, les chercheurs du PMC, en collaboration avec leurs collègues de l’université de Melbourne en Australie, ont pour la première fois caractérisé l’énergie de ces états dû à la présence de ce type de défaut interstitiel dans l’alliage GaAsN. Surtout, grâce à une méthode expérimentale originale, ils ont réussi à montrer comment cette structure électronique dépendait du spin. A l’image de la charge électrique, le spin est une propriété intrinsèque des électrons, qui ne peut prendre que deux valeurs. Avec leur méthode pol-PICTS utilisant de la lumière polarisée circulairement, les électrons passant de la bande de valence à la bande de conduction étaient majoritairement d’un spin donné, ce qui a permis d’étudier finement comment la recombinaison via les états du gap était sensible au spin. Les résultats montrent qu’il n’y a pas qu’un seul mais trois états induits par la présence des défauts interstitiels de gallium dans GaAsN. De plus, leurs énergies sont en désaccord avec les prédictions théoriques. « Ces valeurs dépendent de la nature exacte de l’environnement chimique autour du défaut, qui est encore mal connue explique Alistair Rowe. Nos données avec les énergies pourraient fournir aux théoriciens un point de repère pour dévoiler cet environnement en comparant les résultats de leurs calculs avec nos expériences. »

Ce travail, qui se fonde sur la grande expertise du PMC dans la physique des semi-conducteurs, permet de mieux comprendre la physique due à ce défaut interstitiel, qui pourrait être mis à profit pour des applications, comme le sont aujourd’hui d’autres défauts appelés « centres NV » dans le diamant. Enfin, la méthode pol-PICTS pourrait se révéler très utile pour sonder d’autres matériaux.

*PMC : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris

 

Pour en savoir plus :

Deep-Level Structure of the Spin-Active Recombination Center in Dilute Nitrides

Agatha C. Ulibarri et al., Deep-Level Structure of the Spin-Active Recombination Center in Dilute Nitrides, Physical Review Letters (2024)

https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.132.186402

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