Hommage à Jean-Louis Basdevant

C’est avec grande tristesse que nous avons dû apprendre que Jean-Louis Basdevant nous a quittés le 8 avril 2025. Jean-Louis Basdevant est né le 18 septembre 1939 à Bucarest, où son père faisait partie du corps diplomatique. Après une enfance marquée par la guerre et une jeunesse très internationale, il fait ses études scientifiques à l'ENS, tout en ayant été admis aussi au Conservatoire National de Paris comme pianiste. Il entre au CNRS en 1963, et il est recruté à l'École polytechnique comme Maître de Conférences en 1969.


Jean-Louis commence à jouer un rôle central pour l'enseignement à l'École après le décès brutal de Bernard Grégory en 1977, dont il devient l'héritier naturel après l’avoir secondé au cours de mécanique quantique pendant les années précédentes. Il est nommé professeur de physique à l'École en 1979, fonction dans laquelle il s’investit sans compter jusqu'à sa retraite en 2004 ; il est alors nommé Professeur Honoraire, en même temps que ses deux collègues Edouard Brézin et Jean Salençon. Jean-Louis a témoigné d’une vraie passion pour l'enseignement et pour ses élèves pour lesquels il a su se rendre infiniment disponible. Ses cours, menés avec un brio incomparable, ont toujours mis en avant la dimension humaine de toute l’activité scientifique. Il y a décrit les intuitions, les traits de génie, mais aussi les doutes des découvreurs. Dans ce grand spectacle ainsi mis en scène, une seule règle importe : ne pas tricher avec les faits que la nature nous fournit. Autant qu’une leçon de physique, un cours de Jean-Louis a donc également constitué une leçon de vie pour chacun de ses élèves.  Ses collègues de toutes disciplines l’ont élu pour les représenter au Conseil d'administration pendant plus de 20 ans. Dans cette fonction aussi bien que dans la présidence du département de physique (1992-2004), il détient le record de longévité. Jean-Louis a joué un rôle majeur dans la modernisation de l’enseignement à l’École lors de la réforme dite « X 2000 ». Il ne fait pas de doute que Jean-Louis Basdevant a façonné et structuré le département de physique de l’École polytechnique comme personne avant ou après lui.

Le renom de chercheur de Jean-Louis se fonde sur ses travaux en théorie des particules élémentaires et en physique quantique. En dehors de ses publications de recherche, il est auteur de nombreux livres scientifiques sur la physique quantique, les principes variationnels, la physique nucléaire..., ainsi que d'ouvrages de vulgarisation. Quel que soit le sujet,  toujours traité avec brio, on voit luire en arrière-plan l'esprit sans limites et l’immense culture d'un homme qui n'est pas seulement professeur, chercheur, physicien, écrivain ou artiste : il est tout cela en même temps. Beaucoup d’anciens décrivent sans hésiter Jean-Louis comme le professeur le plus charismatique de toute leur scolarité, celui qui a véritablement marqué leurs vies.

Les deux dernières années de la vie de Jean-Louis étaient marquées par des problèmes de santé de plus en plus graves. Il n’en a pas beaucoup parlé. Mais quand il le faisait, il passait assez vite du particulier au général, inscrivant sa situation personnelle dans le contexte de la condition humaine avec toutes ses forces et faiblesses, en abordant directement le rôle de notre mortalité dans la vie.

Jean-Louis laisse un grand vide derrière lui. Nous nous associons à sa famille dans le deuil. Le département de physique a été trop fortement marqué par lui pour qu’il puisse être oublié.    

Témoignages à la mémoire de Jean-Louis Basdevant

Nous recueillons vos témoignages à la mémoire de Jean-Louis Basdevant à l'adresse memoriam.jean-louis.basdevant@polytechnique.fr

Ces témoignages seront publiés ici. 

Jean-Louis Basdevant , plus d'un demi-siècle de souvenirs complices pour moi, faits de partage de science et de moments d'amitié . Il avait suivi Roland Omnès à Strasbourg où ils s'intéressèrent en particulier au problème quantique des trois corps. Puis je le revois au CERN où il avait collaboré avec André Martin. Ce jeune Normalien fut attiré ensuite à l'X par Bernard Grégory qui, nommé Directeur Général du CERN, ne pouvait plus assumer seul son enseignement de mécanique quantique. Hélas vite disparu, c'est à Jean-Louis que revint d'assurer ce cours essentiel et il en fit un chef d'œuvre de clarté et de pédagogie qui enchanta plusieurs générations  d'élèves successives. Il savait être grave, mais son humour, son talent de pianiste, sa vision du monde, étaient des compléments fascinants pour tous ces jeunes qui l'écoutaient émerveillés. Ce Département de l'X fut sa vie, son chef-d'œuvre, et il y joua un rôle essentiel pour poursuivre la modernisation de l'enseignement qu'avaient initié Laurent Schwartz et Louis Michel. Jean-Louis fut donc un  grand serviteur de la science de notre pays.

Edouard Brézin

Tu as été pour moi une permanente source d’inspiration. Quel physicien et quel pédagogue ! Tes amphis comme ton cours de mécanique quantique étaient de vrais bijoux ! Tu racontais toute cette épopée du début du 20ème siècle, avec une telle force que nous la vivions tous avec toi. Tous les élèves en raffolaient. J’ai entendu tant d’éloges de leur part que nombreux sont ceux qui ont choisi une carrière scientifique. Quelle écoute tu avais auprès de nous tous, qui assurions tes « petites classes ». Avec moi tu t’étais émerveillé pour l’astrophysique. Que de discussions et de plaisirs partagés. Le deutérium, les molécules d’hydrogène interstellaires, les exoplanètes, les microlentilles gravitationnelles et bien d’autres mystères de l’Univers sont passés par là.
Plus que tout, tu étais un ami qui est resté très proche même dans les moments difficiles. Je ne t’oublierai jamais, tu restes pour moi une étoile éternelle la plus brillante bien sûr : Sirius. Comme tu appréciais aussi l’Égypte ancienne, dont certains documents t’avaient même inspiré pour illustrer tes cours, sache que cette étoile est associée à Isis, protectrice des étudiants, toujours si nombreux autour de toi. A partir de maintenant, chaque fois que je regarderai Sirius, ce sera toi qui me fera un clin d’œil. Merci pour tout. Nicole qui t’a aussi très bien connu se joint à moi pour transmettre toutes nos condoléances à ta famille, tes proches et aux milliers d’étudiants qui ne t’oublieront jamais.

Nicole et Alfred Vidal-Madjar

J’ai appris avec une profonde tristesse cette semaine le décès d’un immense Professeur, Jean-Louis Basdevant. Je me souviendrai à jamais de ses amphis à l’X : j’avais rejoint l’X avec une immense envie d’apprendre la physique quantique et j’ai été sur un nuage pendant chacun de ses cours. Je me souviens en particulier de la session sur le chat de Schrödinger : est-il vivant ? est-il mort ? Le simple fait de mesurer va tuer le chat… Je me souviens aussi du temps qu’il m’a consacré pour réfléchir à la suite : quelle voie choisir entre physique et sciences de la vie ? et aussi pour approfondir certaines notions vues en cours. Enfin, un souvenir plus récent, lorsque j'étais Directrice de l'AGEPS, en 2017 ou 2018 : j'étais tombée par hasard sur Jean-Louis Basdevant, rue Mouffetard. Nous avions alors pu nous retrouver tous les deux, le temps d'un déjeuner. Toujours la même passion et le même sourire. Jean-Louis Basdevant était clairement passionné par le partage, il aimait la science, mais il aimait avant tout diffuser ses connaissances et partager sa passion. Je me suis replongée hier soir dans les différents ouvrages qu’il a publiés et ai redécouvert certains trésors dans ses préfaces et les citations choisies. Dans mon souvenir, Jean-Louis Basdevant n’est pas comme le chat de Schrödinger, il reste bien vivant, souriant et passionné par les sciences et la joie de partager, pour l’éternité. Qu’il repose en paix.

Claire Biot (X2002)

Les souvenirs de mes rencontres avec Jean-Louis, formels au Département de Physique de l'École ou fortuite lors d'un jury, une conférence, ou un café au LLR, sont toujours marqués par sa bonne humeur, comme si on venait de lui raconter une bonne blague, et par une bienveillance naturelle. Ils resteront, comme une chose rare et appréciable.

Vincent Boudry
 

C'est avec une grande tristesse que j'ai appris la nouvelle de la disparition de Jean-Louis Basdevant. Jean-Louis, pendant ma période d'enseignement à l’École polytechnique, a été mon mentor, mon inspirateur, un modèle pour l'enseignement et un ami sincère. Je regrette que j'ai perdu le contact avec lui, depuis 10 ans, même si j'ai pensé beaucoup à lui. Je lui dois beaucoup et je ne l'oublierai pas. Je continue à lire et relire ses ouvrages.

Michel Spiro

Je n’oublierai jamais ses amphis, à la fois profonds, spectaculaires et captivants, tenant en haleine quelque 400 élèves et une dizaine d’enseignants pendant plus d’une heure et demie ; sa pédagogie inégalée rendant clairs et accessibles des concepts subtils et contre-intuitifs ; sa bienveillance et ses conseils précieux aux jeunes enseignants, tenus à exécuter « la figure obligatoire » des PC de Méca Q avant de faire leurs cours spécialisés ; son fin sens de l’humour et les nombreuses anecdotes, partagées lors des repas et des cafés pris ensemble après les amphis. Plus de vingt ans après, je me replonge toujours avec la même délectation dans son poly et ses « 12 leçons » ; heureusement, ils sont et ils seront toujours là pour nous raconter et nous apprendre par un immense pédagogue ce qui est « l’une des plus grandes aventures intellectuelles de l’humanité ». Merci pour tout, Jean-Louis !  

Razvigor Ossikovski

J’ai rencontré Jean-Louis Basdevant dans les années 70 quand il venait discuter avec mes collègues des propriétés d’analyticité des amplitudes de diffusion de leurs prolongements phénoménologiques. Nos routes se sont ensuite souvent croisées à propos d’autres problèmes de physique ou du concours d’entrée à Polytechnique, et peu à peu une profonde amitié nous a liés.  J’ai découvert d’autres facettes de sa personnalité, son immense culture, ses talents de musicien, ses réseaux dans des milieux très variés. Jean-Louis a abordé les sujets les plus divers mais il avait commencé ses recherches sur le problème à trois corps et avait gardé un intérêt pour les subtilités des systèmes quantiques à petit nombre de corps. Il a par exemple étudié les effets relativistes dans la dynamique interne des baryons. J’ai eu la chance d’être associé à Jean-Louis, André Martin et Tai-Tsun Wu pour élaborer de nouvelles bornes inférieures aux énergies de liaison et j’ai été fasciné par sa virtuosité aiguisée par l’émulation.

Jean-Marc Richard
 

C'est avec tristesse que j'apprends le départ de notre collègue et ami. Je l'ai si longtemps identifié avec le département de Physique de l'Ecole ! Combien de générations de Polytechniciens ont  ils appris que le chat de Schrödinger n'était ni vivant ni mort ? Il a popularisé la physique auprès d'un grand nombre d'entre eux. Je n'ai personnellement pas eu l'occasion de l'assister dans son cours mais lui suis redevable des efforts qu'il avait entrepris avec Yves Quéré pour soutenir mon recrutement en tant que Professeur. Sa vie à l'Ecole ne laisse que des images heureuses que nous sommes nombreux à avoir partagées avec lui.

Mes sincères condoléances à ses proches.

Henri Alloul